GILLES MARCHAND: Un autre monde est (im)possible

Avec « L’Autre monde », le réalisateur Gilles Marchand réussit un film qui nous entraîne dans les jeux cruels de l’amour et de la mort – pourtant il sait aussi agacer par instants.

Et oui, on peut aussi déprimer en mode virtuel.

Gaspard et Marion sont jeunes et beaux. Ils s’aiment et en plus ce n’est que le début de l’été dans la charmante bourgade du Gard où ils habitent. Entre des virées avec les copains à la plage, les palpitations érotiques et les « Je t’aime » susurrés à l’oreille de l’autre, tout semble être pour le meilleur dans le meilleur des mondes. Mais comme toujours dans les films qui commencent bien, un petit détail va briser l’harmonie et attiser les pulsions jusqu’à dépasser toutes les limites.

Dans le cas de Gaspard et de Marion, c’est un portable qu’ils trouvent, perdu dans une cabine de plage où ils s’étaient réfugiés pour échapper aux regards trop indiscrets des copains. Déchiffrant les messages cryptiques qui n’arrêtent pas de déferler sur le portable, ils prennent connaissance d’un rendez-vous mystérieux entre Audrey – la jeune femme propriétaire du portable – et un certain Dragon. Comme piquée par une de ces mouches qui rendent fous, Marion entraîne Gaspard dans la chapelle où doit avoir lieu la rencontre. Et effectivement, la jeune fille du portable y apparaît et disparaît avec un autre jeune homme, qui ne peut être personne d’autre que Dragon. Les deux les suivent à un magasin de bricolage avant de perdre leur trace dans une carrière abandonnée. Plus tard, sur leur chemin de retour, ils trouvent la voiture avec laquelle Audrey et Dragon les ont semés : le moteur tourne encore, un tube en plastique relie le pot d’échappement à la fenêtre avant de la petite Saxo. C’était bien un rendez-vous avec la mort que les deux s’étaient donnés.

Après avoir sauvé la jeune fille – et constaté le décès de Dragon – tout aurait bien pu s’en finir là. Mais hélas, Gaspard, trop fasciné par la belle suicidaire, empoche une petite caméra que les deux avaient installés pour filmer leur mort. Le mal est fait, et de fil en aiguille, par des rencontres du hasard, il va entrer dans la danse macabre que mène Audrey, fasciné et repulsé à la fois jusqu’au grand final qui va révéler une bien triste réalité. Pour cela il se met aussi à fréquenter « Black Hole », un de ces jeux en ligne qui entraînent le joueur dans des mondes virtuels où ils se promènent en guise d’avatars et mènent la vie qu’ils ne pourront jamais atteindre en réalité. C’est aussi dans « Black Hole » que Dragon et Audrey se sont donnés leur premier et dernier rendez-vous…

Attention, le film de Gilles Marchand est tout sauf moralisateur dans le genre : regardez ce que font vos enfants sur cet internet maudit, ils finiront tous par mourir ! Au contraire, il utlise l’internet habilement comme une autre surface de projection des rêves, des désirs et des pulsions des êtres humains. Il lui donne en quelque sorte sa place dans la fantasmagorie qui oscille entre Eros et Thanatos, entre le rouge et le noir.

Pour ainsi dire, l’évocation de l’insouciance juvénile des premiers babillements érotiques, combinée à celle de la pulsion de mort qui y habite, rappelle un peu l’univers romanesque d’un Georges Bataille et surtout son majestueux roman « Le Bleu du ciel ». C’est un hymne à la jeunesse qui démontre en même temps toute sa dualité : l’amour et l’attirance ne sont jamais sans revers. Ce qu’on regrette un peu sont cependant certaines longueurs dans le scénario, quelques suites illogiques et puis surtout, quelques scènes qui ne font en rien avancer l’histoire – pour un film pareil cela peut être agaçant. Pourtant, les acteurs sont magnifiques – surtout Louise Bourgoin en frêle nymphe suicidaire – et l’histoire laisse songeur.

« L’Autre monde », à l’Utopia.


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