CRISE(S): Les rouages grincent

Les six Etats fondateurs de l’UE sont dans de sales draps. Si leurs crises politiques divergent dans la forme, leurs causes partagent le même fonds politique.

Commençons notre petit tour par nos voisins les plus proches. Nos cousins belges par exemple. Depuis plus de trois ans, la Belgique n’arrive plus à sortir d’une grave crise institutionnelle qui met l’existence même du royaume en question. Les différends entre le nord et le sud du pays ne sont plus seulement d’ordre linguistique, mais également politique avec une Wallonie ancrée à gauche et une Flandre de plus en plus séparatiste dans laquelle les partis néolibéraux dominent largement.

Traversons maintenant la Moselle : l’avènement de la coalition rouge-verte en 1998 a entamé, avec l’Agenda 2010, une cure radicale d’austérité, transformant le plus grand Etat de l’Union en réservoir de précarité et de pauvreté de masse (pas seulement à l’est), telle que ce pays ne l’a plus connu depuis les années 30. Et si certains se félicitent du « redressement » de son économie d’exportation, c’est en ignorant le revers de la médaille : une modération salariale qui continue à creuser l’écart entre riches et pauvres. Et le récent débat autour du malnommé Sarrazin, dont les théories dignes d’un collégien frustré sont prises au sérieux par certains grands médias (voir woxx 1074), démontre à quel point notre voisin oriental s’enlise dans une crise socio-politique plus que dangereuse. L’on se consolera encore de l’effondrement des excités ultralibéraux du FDP.

Allons en France maintenant : bien que la gauche cache des potentialités réelles et que la réussite de la grève contre la casse du système des retraites donnent encore des raisons d’espérer, le pays est gouverné par un drôle de cabinet des horreurs, qui, afin de faire oublier ses « affaires » et l’aggravation de la crise sociale, cherche des boucs émissaires, tantôt auprès des Musulmans, tantôt auprès des Roms.

A propos de boucs émissaires, et puisque nous sommes en France, traversons les Alpes pour nous rendre chez la « soeur latine », la grande malade, l’Italie. Les Roms n’y sont pas plus appréciés. Tout comme les gays, les Noirs, les Arabes, voire les Italiens eux-mêmes (s’ils sont du Mezzogiorno). L’on a encore du mal à s’étonner des outrances de la clique qui dirige ce pays. C’en est même devenu trop pour l’ancien postfasciste Fini.

Nous aurions presque oublié les Pays-Bas, dont la « tolérance » a souvent (mais à tort peut-être) été citée en exemple. Depuis quatre mois, la politique est dominée par une crise institutionnelle (à l’instar de la Belgique), car l’extrême-droite de Geert Wilders menace d’intégrer le gouvernement en menant une croisade contre les Musulmans.

Retour à la case départ. Au Luxembourg, la coalition CSV-LSAP a relégué la crise à l’automne. Le premier ministre veut faire passer en force son agenda néolibéral sans passer par les syndicats et l’on se demande si le LSAP pourra avaler toutes les couleuvres. Certes, ici l’on tape moins sur les Roms (peu présents), ni vraiment sur les Musulmans. Mais l’on voit se dessiner un autre bouc émissaire : le frontalier (voir p. 6), dont la classe politique dirigeante secoue l’épouvantail afin de diviser le salariat et d’affaiblir les syndicats.

Certes, les raisons superficielles de ces crises ne sont pas les mêmes. Mais l’on ne peut ignorer que les six Etats fondateurs de l’UE traversent des crises sociales, politiques voire institutionnelles sans précédent. Aussi diverses que soient les situations énumérées, elles souffrent des mêmes maux. Des décennies de cure d’austérité et de précarisation du salariat, combinées à l’immigration massive vers un continent en mal de main-d’oeuvre ont donné naissance à un cocktail explosif. Parallèlement, le mouvement ouvrier (syndicats et partis) a perdu durant cette période sa capacité d’organisation et d’intégration du salariat indigène et immigré. Et les symptômes commencent à se faire méchamment ressentir, car le système parlementaire ne fonctionne réellement qu’à condition que l’économie de marché se montre raisonnablement redistributive, favorisant ainsi les grandes formations fidèles au système. La machine est grippée et s’enlise dans une crise de légitimité du régime. Une crise salutaire si les forces de progrès savent se saisir de cette opportunité.


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