EUTHANASIE: L’Eglise est piquée

Le refus de dispense du second vote constitutionnel du Conseil d’Etat au sujet de la proposition de loi sur l’euthanasie pour cause d’incompatibilité ne convainc pas les députés Err et Huss. Il s’agirait plutôt d’une manoeuvre ex-post des adversaires de la loi.

« Superficiel et pas très sérieux ». Tel est le verdict du député vert Jean Huss lors de la conférence de presse de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD-L) au sujet de l’avis du Conseil d’Etat qui a refusé la dispense du second vote constitutionnel de la proposition de loi sur l’euthanasie adoptée en première lecture le 19 février dernier. Ensemble avec la députée socialiste Lydie Err, la coauteure du texte, l’avis de la haute corporation serait surtout le fruit de la surprise : « Le Conseil d’Etat, tout comme le gouvernement, ne pouvaient pas s’imaginer que la proposition récolterait une majorité à la Chambre ». Lydie Err, qui est avocate dans le civil, balaie du revers de main l’argument invoqué par le Conseil d’Etat de l’incompatibilité entre le projet de loi sur la médecine palliative et la proposition de loi sur l’euthanasie : « S’il devait y avoir incompatibilité, elle serait de nature philosophique et non juridique ». A ses yeux, les deux textes, comme c’est le cas en Belgique, peuvent coexister sans aucun problème.

Mais peut-être que la position prise par le Conseil d’Etat ne ferait partie que d’une stratégie des adversaires de l’euthanasie visant, par la voie d’amendements, à vider de sa substance le texte voté par les représentant-e-s du peuple ? « Ce calcul ne portera pas ses fruits », prévient Lydie Err, pour qui des améliorations pourraient tout aussi bien être apportées au texte sur les soins palliatifs. « Par exemple, je ne vois aucune raison pour que les soins palliatifs ne soient pas soumis à une commission de contrôle, comme c’est prévu dans la proposition sur l’euthanasie », estime-t-elle. De toute façon, mieux vaudrait, selon Huss et Err, voter les lois telles quelles et attendre le délai prévu de deux ans pour tirer un bilan et procéder si nécessaire à des améliorations. En tout cas, contrairement au texte sur les soins palliatifs, celui sur l’euthanasie devrait être voté d’urgence car des cas sont déjà en attente.

Si les deux députés soulignent que « 90 pour cent » des réactions qu’ils ont récoltées sont « positives », beaucoup de députés ayant voté en faveur de la dépénalisation auraient fait l’objet de contacts par mail ou par téléphone un tantinet moins sympathiques. Ainsi, des personnes les auraient interpellés ne comprenant pas pourquoi ils auraient accordé leurs votes à une loi qui permettrait de « piquer » des enfants handicapés. « Ces imputations et ces histoires d’horreur sont véhiculées par certains cercles qui n’acceptent pas ce vote démocratique », dit Huss. Dans la ligne de mire : l’église catholique et son parti, le CSV. Et de citer quelques allégations de la députée très catholique Marie-Josée Frank lors du débat précédant le vote : elle y parlait de « transgression vers le meurtre », ou bien avertissait que la loi constituerait « une porte ouverte vers le meurtre (« ewechsprëtzen » dans le texte) de concitoyens handicapés ou d’enfants malformés ». « Avec ces insinuations, Madame Frank s’est complètement décrédibilisée », juge Huss. Le « Wort » quant à lui n’a pas non plus fait dans la dentelle. Dans un éditorial d’une grande violence intitulé « Totentanz », le rédacteur en chef Léon Zeches n’hésite pas à imputer des calculs politiciens aux député-e-s s’étant prononcé pour le texte. L’église semble bel et bien partie en croisade : mercredi dernier, l’archevêque Frank se manifeste par communiqué de presse, appelant les parlementaires à revoir leur vote en intitulant sa prise de position « Vote pour la vie ! ».

Et le 12 mars dernier, au siège de la Caritas, quelques catholiques ont fondé une « alliance contre l’euthanasie ». Il n’est pas étonnant que l’église catholique épuise toutes ses ressources, car le vent tourne au CSV : mercredi, au micro d’RTL, la députée Martine Stein-Mergen s’est prononcée en faveur de l’euthanasie. Le même jour, le premier ministre a accueilli les délégations des fractions LSAP et CSV : un accord aurait été trouvé afin de ne pas vider de sa substance le texte. Ceci devait être confirmé lors d’une conférence de presse jeudi dernier (le woxx était alors déjà sous presse). Quoi qu’il en soit, il y a quelque chose de bon à l’issue probable du débat : la vérification de la perte d’influence de l’institution catholique dans la société. Et ce, jusqu’au sein du CSV.


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