« Snabba Cash » du jeune réalisateur suédois d’origine chilienne Daniel Espinosa montre la descente aux enfers d’un jeune aveuglé par le mirage de l’argent facile. Un film bien ficelé, mais un brin trop moralisateur.
Le personnage principal du roman « Snabba Cash » – « L’argent facile » en français – de Jens Lapidus a dû rappeler au réalisateur ses propres déboires de jeunesse. Tout comme JW, le personnage principal du film, Daniel Espinosa a fréquenté le monde des riches à son école, où il était le voisin du fils du réalisateur Lasse Hallström, et celui de la délinquence qui avait presque compromis son avenir quand il était encore adolescent. Pourtant, au lieu de se laisser entraîner par l’appât de l’argent trop facile, Espinosa est devenu un des jeunes réalisateurs suédois les plus en vue et « Snabba Cash » a battu des records aux caisses de cinéma, du moins en Scandinavie.
L’histoire de l’argent facile, c’est d’abord celle de JW. Un jeune homme, brilliant étudiant en économie mais aux origines plutôt modestes qui ne collent pas avec l’environnement social de son école auquel il aspire pourtant. Commence alors pour lui une double vie : la nuit comme chauffeur de taxi illégal dans les rues de Stockholm pour le compte de son ami Abdulkarim, et le jour, ainsi que les weekends, en train de prétendre d’être quelqu’un d’autre pendant les cours ou les fêtes upper class qu’il fréquente avec la même assiduité.
La vie de JW va changer lorsqu’y apparaît Jorge. Ce petit malfrat d’origine chilienne vient juste de s’évader de sa prison suédoise et ne songe à rien d’autre que de reprendre le trafic de cocaïne juteux, qu’il avait organisé à partir de l’Allemagne par le biais de son cousin, gros producteur de poudre blanche. Additionnellement, il veut aussi se venger de la mafia serbe, responsable de sa mise à l’écart derrière les barreaux. Mais celle-ci ne l’entend pas de la même façon et digère assez mal le fait qu’Abdulkarim, Jorge et JW se soient associés avec les Albanais du coin pour protéger leur trafic. Alors que les éléments du drame se mettent déjà en place, le spectateur est encore introduit au caractère de Mrado, un tueur serbe qui veut prendre sa retraite et rentrer au plus vite à Belgrade avec sa fille. Pour cela, il décide d’entuber ses patrons mafieux pour s’en tirer avec un maximum de cash?
S’il faut vraiment faire l’éloge de « Snabba Cash », c’est pour une chose précise : sa composition. Car malgré un scénario particulièrement dense qui enchaîne revirement sur revirement, et quelques astuces cinématographiques qui auraient risqué d’alourdir davantage le film, voire de le plomber totalement, le spectateur n’est jamais dépassé par ce qu’il voit. Et ce n’est une chose assez rare dans le film européen contemporain, qui se heurte trop souvent à ses propres ambitions.
Ce qui va mal par contre, ce sont les côtés trop moraux et prévisibles de l’histoire. Bien sûr, JW va tomber éperdument amoureux d’une jeune fille upper class et bien sûr, ses « amis » essaient de l’arnaquer sur sa part du trafic. Et bien sûr, cela va mal se terminer?
Malheureusement donc, tous les revirements du scénario mènent vers une fin assez prévisible et moralisatrice. Dans le genre : si tu veux gagner de l’argent, fais-le de façon honnête, car la voie criminelle n’apporte que la misère et la prison. Certes, le message contraire aurait altéré le bien-fondé du film, mais un peu plus de nuances ne lui auraient pas fait de mal, tout au contraire.
A l’Utopolis.