Un sondage relève que de plus en plus de personnes veulent que les investitions du fonds de compensation (FDC) soient responsables – mais sont-ils prêts à en courir le risque ?
« Les Luxembourgeois sont massivement favorables à des critères environnementaux et sociaux en ce qui concerne les investissements du Fonds de compensation », c’est la conclusion principale que Magali Paulus, la présidente d’etika – le seul fonds d’investissement éthique du Luxembourg – tire de l’étude que son organisme avait commandé à l’institut de sondages TNS-Ilres et qui vient d’être présenté cette semaine. Une étude qui montre en effet que la crise financière n’a pas laissé les gens indifférents, contrairement à ce qu’ont pu croire les hommes politiques ou encore les responsables de l’investissement du FDC.
Le sondage est clair sur les fondamentaux : 73 pour cent des sondé-e-s sont favorables aux critères environnementaux et sociaux dans les investissements, 55 pour cent sont même prêts à accepter un rendement financier amoindri en échange contre l’application de critères éthiques stricts. Tandis que 68 pour cent se sont déclarés prêts à investir leur propre argent dans des fonds éthiquement responsables – ce qui est un doublement du chiffre du dernier sondage en la matière qui a été effectué en 1999 – et six pour cent ont indiqué déjà le faire. Il semble que l’initiative prise par Déi Lénk en août dernier (voir woxx 1073) qui dénonçait des investissements illégaux du FDC, notamment dans des firmes produisant des bombes à sous-munitions et autres saloperies, ait touché profondément la conscience des Luxembourgeois. En tout cas, un tel résultat n’était pas attendu et devrait mettre la pression au FDC pour qu’il applique rapidement des critères responsables à ses portfolios d’actions et d’obligations. Car il reste du travail à faire. Pour s’en persuader, il suffit de parcourir les listings des armes dans lesquelles le FDC investit l’argent du contribuable – des listings qui d’ailleurs ont disparu du site du FDC depuis l’affaire des sous-munitions – Monsanto, Halliburton, Philipp Morris ne sont que quelques-unes des multinationales dont on ne va pas détailler les pratiques infâmes ici, mais qui sont bel et bien présentes sur les listes. Et les attentes d’etika – qui conseille le FDC dans ses investissements – sont grandes : « Nous attendons d’eux une attitude active qui évite les dérapages, au lieu de cette attitude réactive qu’ils ont jusqu’à aujourd’hui et qui consiste à enlever les actions et obligations incriminées en public », déclarait Magali Paulus, avant de tempérer « Mais jusqu’ici, on s’est heurté au FDC qui en somme trouve tout ça trop compliqué pour lui ».
Et les experts qui règnent sur les quelque 10,6 milliards d’euros en portfolios en ce moment devraient aussi reconnaître la tendance à l’investissement responsable et éthique. Les chiffres d’etika parlent d’eux-mêmes : plus de 40 millions d’euros sont investis en ce moment par quelques 885 clients. Les autres banques – etika est un organisme dépendant de la BCEE – s’y mettent aussi : « Jusqu’il y a quelques semaines, aucune banque n’a mis en avant son savoir-faire en matière d’investissement éthique, mais les choses bougent », estimait Paulus. Ainsi, le « banking responsable » pourrait être le prochain boom – reste juste à savoir jusqu’où iront les « nouveaux » investisseurs. Car s’ils sont prêts à accepter un rendement moindre, « ils ne veulent surtout pas courir de risques, ce qui est typiquement luxembourgeois », tempérait Charles Margue du TNS-Ilres, qui ajoutait encore que tout de même une part importante (25 pour cent) des sondé-e-s s’étaient déclarés insensibles au fait que le FDC investisse dans l’industrie de l’armement. Un changement d’attitude du FDC n’est donc pas vraiment obligatoire à l’avenir, même si – pour une fois – un sondage vient de démontrer que les gens sont au courant des implications internationales du capitalisme globalisé et qu’ils veulent avoir leur mot à dire, dès qu’il s’agit de leur argent.
Plus d’infos : www.etika.lu