Le biopic sur Howard Marks alias « Mr Nice » – un des narcotrafiquants les plus connus de la planète – passe comme une bonne latte d’un joint fraîchement roulé : stimulant et ouvrant des horizons nouveaux.
En fait, Howard Marks est dès le début de sa vie une figure extraordinaire, quelqu’un qui a tout pour réussir. Malgré ses origines modestes dans le prolétariat « welsh » – la région des mines du charbon, où selon lui « il y avait plus de pubs que d’églises et plus de mines que d’écoles » – il est un élève extrêmement doué. Tellement même qu’il réussit à s’introduire dans le coeur de l’élite britannique, l’université d’Oxford. Là, en alternance avec l’université de Londres, il décroche plusieurs diplômes notamment dans les sciences naturelles, mais aussi en philosophie et en histoire.
Mais c’est bientôt une autre substance qui va l’occuper et façonner toute sa vie : la résine de cannabis. Initié au joint par ses collègues étudiants à Oxford, il va vite se retrouver au centre des trafics, même si ce n’était pas son intention au début. Après une période d’abstinence pendant laquelle il voulait se caser dans la société : se marier, devenir professeur de lycée et mourir à l’âge de la retraite, il doit vite se rendre à l’évidence que dans les « Roaring Sixties » londoniens on n’est personne si on n’est pas défoncé. Lorsqu’une de ses connaissances se fait arrêter par les douanes allemandes, il vole à son secours et rapatrie le reste de la livraison que les services allemands n’avaient pas récupérés. Son initiation est complétée par la rencontre des gros dealers pakistanais qui contrôlent le business avec lesquels il se lie très vite en affaires. A partir de ce moment là, l’ascension du narcotrafiquant Howard Marks ne connaît plus de limites. De sociétés-écrans pour le blanchiment de l’argent sale, en passant par diverses collaborations avec l’IRA – qui l’aideront à faire passer la marchandise par l’île verte – et avec le MI6, qu’il renseigne sur les activités de l’IRA contre une protection de son business, jusqu’à des trips répétés au Pakistan et en Afghanistan pour tester la résine de cannabis, Marks connaît toutes les étapes que parcourt la drogue. Une sorte de spécialiste de la mondialisation en somme, qui selon ses propres dires contrôlait jusqu’à dix pour cent du trafic mondial à ses meilleurs moments.
Mais tout comme Icare, Howard Marks va se cramer les ailes à la suite d’une tentative foireuse d’envahir le marché américain en cachant son shit dans les hauts-parleurs d’un groupe de rock en tournée. Même s’il réussit à s’extraire des filets de la justice à deux reprises, il est finalement incarcéré aux Etats-Unis en 1988 et y restera jusqu’en 1995, l’année où il pourra enfin revoir sa famille et commencer une nouvelle vie avec sa « one-man-show » devenue aussi célèbre que son engagement pour la légalisation du cannabis.
Ce qui frappe avant tout dans « Mr Nice » est qu’il n’est n’est pas moralisateur et qu’il ne glorifie pas le personnage de Howard Marks non plus. Certaines scènes ont été exagérées sûrement, mais les aspects comiques du film, qui est basé sur l’autobiographie du principal intéressé, ne font pas passer au second plan la tragédie du personnage qui avait tout pour réussir même lorsqu’il avait abandonné le trafic temporairement. Car ce n’est pas comme s’il en avait eu réellement besoin financièrement – Marks dealait surtout pour le plaisir et la reconnaissance de celles et ceux qu’il fournissait. Et finalement, il n’a fait de mal à personne, vu qu’il n’a jamais touché aux drogues dures mais n’a fait que circuler des plantes interdites. Il peut affirmer sans problèmes que personne n’est décédé après avoir consommé ce qu’il lui a vendu. Dommage pour lui qu’il soit devenu une sorte de victime colatérale de la « guerre contre la drogue » – comme on le voit dans l’épisode marquant de son passage dans le bagne américain – une guerre qui aujourd’hui s’avère perdue. Dans ce sens, le film porte bien son message, un peu ringard il faut en convenir, du « Legalize It », tout en y ajoutant une bonne touche d’humour british.
A l’Utopolis