Avec la réduction drastique des allocations pour les demandeurs d’asile, le gouvernement frôle le racisme institutionnel et jette de l’huile sur le feu d’un débat sociétal qu’il ne maîtrise pas.
C’est bien la première mesure d’austérité concrète décidée par le gouvernement luxembourgeois. Et tout naturellement, il frappe les plus faibles : les demandeurs d’asile. Une catégorie sociale qui ne peut pas se défendre et qui se trouve au beau milieu d’un débat de société sur le racisme et l’accueil des réfugiés, dans lequel, paradoxalement, ils n’ont pas non plus le droit d’intervenir, car d’autres le font déjà à leur place.
Concrètement, que vont apporter ces réductions? Si on met de côté l’aspect de l’argent ainsi épargné, qui ne devrait pas être une somme trop élevée – surtout par rapport à d’autres facteurs comme le financement des cultes par exemple – on constate que l’idée est surtout de tenir les gueux à distance du riche Luxembourg. Certes, on leur donne la possibilité de travailler. Mais en regardant de plus près les conditions sous lesquelles ces gens peuvent accéder à un « emploi » – un maximum de dix heures par semaines, seulement à l’intérieur de leurs structures d’accueil, uniquement des travaux de maintenance et rémunérés 80 euros par mois au maximum – on constate que ce n’est qu’un prétexte pour mieux faire avaler la couleuvre. Par ailleurs, cette somme est inférieure au salaire minimum horaire. Car l’essentiel, c’est qu’à l’avenir, un demandeur d’asile, s’il vit dans une structure d’accueil, devra vivre avec moins d’un euro par jour, vu qu’il n’en recevra que 25 par mois. Auparavant, cette somme était de 122,09 euros. Et comme toujours, quand il faut expliquer des faits qu’on n’aime pas trop détailler, c’est l’harmonisation européenne qu’on sort du tiroir pour justifier des décisions barbares.
D’ailleurs toutes les excuses sont bonnes pour se justifier, comme le démontre l’échange de courriers entre l’asbl Chachipe (voir page 5) – qui s’engage pour la communauté rom au Luxembourg – et le ministre Schmit. L’association avait déniché un rapport de l’agence Frontex – cette même qui est co-responsable du charnier sous-marin dans la Méditerranée – sur la situation dans les Balkans. Ce rapport, intitulé « Risk Analysis Western Balkans 2011 », stipulait mot pour mot que « les autorités serbes n’ont pu trouver aucune preuve leur permettant de conclure que les demandes d’asiles étaient organisées illégalement à grande échelle. En outre, les demandeurs d’asile interrogés à leur retour en Serbie ont déclaré qu’ils étaient partis sur recommandation de voisins ou de membres de leur famille installés à l’étranger ». Ce qui veut dire aussi que les déclarations de Schmit sur un prétendu « tourisme d’asile » seraient démenties. Pourtant, dans sa réponse, le ministre ne démord pas et ne semble pas avoir peur de plonger dans le ridicule puisqu’il ne rechigne pas à indiquer que malgré le rapport Frontex, « plusieurs sources m’ont confirmé les activités de tels réseaux, dont les membres ont récemment été arrêtés par la police serbe ». On aimerait bien en savoir plus sur les sources du ministre et comment il a réussi à en savoir plus qu’une
équipe d’investigateurs européens.
Le problème du gouvernement, c’est que la société civile n’est pas prête à tolérer cet acte de désolidarisation massive. A côté des « usual suspects » du monde des ONG, même le Wort s’est fendu d’un édito – certes très larmoyant et chrétien – mais totalement opposé à cette décision. On est en droit de douter de l’efficacité d’une opposition à ces mesures, car les politiciens savent que la majorité des zincs est derrière eux. Les seuls à vraiment se réjouir de ces mesures sont les racistes qui en mettent plein la toile et les ministres incapables de gérer le minable petit flux migratoire dont le Luxembourg – semblerait-il – serait « frappé ».