TRIPARTITE CFL: Répétition générale

L’avenir des CFL est à l’ordre du jour de la tripartite sur les chemins de fer. Le possible démantèlement de ce service public constitue le coup d’envoi de l’offensive libérale du gouvernement.

Le conseil fédéral du syndicat Landesverband était unanime samedi, 15 octobre: la déclaration de politique générale du premier ministre Jean-Claude a déçu les syndicalistes. D’après eux, le gouvernement luxembourgeois répète les mêmes pratiques néolibérales qu’à l’étranger.

Juncker n’a en effet pas traî né. Comme le prévoyaient certains, la coalition noire-rouge a attendu la fin de la dernière échéance électorale – les élections communales – pour amorcer une politique d’austérité. D’ailleurs, tout va aller très vite: ce lundi 24 octobre, la tripartite chemins de fer – la première depuis 1996 – doit se réunir pour statuer sur l’avenir des CFL. Et il n’est pas rose.

Le syndicat affirme avoir conscience du contexte libéral dans lequel le rail se meut actuellement. D’où l’objectif principal qu’il s’est fixé dans le cadre des négociations tripartites: conserver le caractère intégré des CFL ainsi qu’un maximum d’emplois. Mais la direction, en se focalisant sur l’impératif de la rentabilité, poursuit une logique tout à fait différente. Alors que le syndicat prône une coopération renforcée avec les sociétés ferroviaires voisines – SNCF, SNCB, DB -, la direction mise sur la sous-traitance, des contrats avec des sociétés privées ou la filialisation. Le saucissonnage progressif de la société sera d’ailleurs le plat de résistance de la tripartite.

En effet, depuis le mois de mars 2005, la direction des CFL travaille, de concert avec le géant sidérurgique Arcelor, à un concept de „joint venture“ pour le fret ferroviaire. En d’autres termes, il s’agit de créer une nouvelle société dans laquelle Arcelor détiendrait un bon tiers du capital en échange d’un apport en matériel – wagons et locomotives – rentabilisé depuis belle lurette. De fait, le fret serait détaché des CFL. Une option qui bute sur le refus du Landesverband. „Nous ne sommes pas contre une étroite collaboration avec le principal client des CFL qu’est Arcelor, au contraire. Mais il ne peut se faire de telle manière“, estime Nico Wennmacher, le président du syndicat. Même son de cloche de la part de Roland Schreiner, député socialiste et président de la commission parlementaire des transports. Pour cet ancien secrétaire général du Landesverband, il s’agit de „poser les jalons pour l’avenir du fret au Luxembourg“.

Tactique du salami

Mais quid du statut des salariés de cette hypothétique société? D’un côté, elle accueillerait les salariés travaillant déjà pour Arcelor, auxquels il faudrait ajouter celles et ceux issus des CFL avec leur statut spécifique en plus des nouvelles embauches. Trois statuts différents pour une même société. Côté syndical, on imagine difficilement qu’une société comme Arcelor accepte de pérenniser un statut proche de la fonction publique en son sein. „Nous craignons que cette société ne serve à renforcer le dumping social“, prévient Nico Wennmacher.

Comme Arcelor n’est pas une petite entreprise locale, mais une société aux enjeux mondiaux, elle se retrouve inévitablement sous l’énorme pression de la concurrence internationale et procédera rapidement à des mesures de rationalisation. Il est d’ailleurs prévu que la joint venture „rende“ à la société mère 40 % du personnel d’ici 2008. Les coûts d’une telle „phase transitoire“ seraient ainsi supportés par l’Etat ou les CFL. En clair: le contribuable devra participer de sa poche à la stratégie économique des barons de l’acier. Pour Arcelor, disposer de sa propre société de fret sur rail est un business qui tombe à point. A une époque où le prix du pétrole – et donc des carburants – flambe, le rail devient une alternative plutôt intéressante.

Pourtant, le transport routier de marchandises reste le principal concurrent du transport ferroviaire. Car s’il est de bon ton de stigmatiser le manque de compétitivité du transport ferroviaire par rapport au transport routier – on parle d’un déficit pour les CFL de 30 millions d’euros – il ne faut pas oublier de mentionner les privilèges octroyés aux camions. „On évoque le déficit, mais il faudrait avancer les chiffres réels“, revendique ainsi Wennmacher. Pour exemple: alors que les CFL doivent s’acquitter d’une redevance pour l’exploitation du réseau ferroviaire, les sociétés de transport routier utilisent des routes financées par la collectivité. Et si le transport routier est moins cher, il est également moins écologique et moins sûr. Sans parler des conditions de travail indignes. Les patrons de ces sociétés n’ont pas acquis pour rien leur réputation d’esclavagistes modernes.

Concurrence déloyale

Comment le Landesverband compte-t-il faire face à cette concurrence implacable? L’alternative qu’il propose tourne autour de deux axes: d’une part, il demande au gouvernement de créer des conditions cadre favorisant, exonérations à l’appui, le transport ferroviaire. D’autre part, une collaboration étroite avec d’autres sociétés intégrées lui paraî t inéluctable. Reste finalement la piste de l’octroi de subventions. En effet, cette solution ne serait pas considérée comme une distorsion concurrentielle par les autorités bruxelloises sous condition que la mission de service public soit avérée.

La tripartite devra débattre d’un autre sujet qui promet d’être chaud: l’avenir du statut des cheminots. Actuellement, le compromis que la direction des CFL tente de faire passer est le suivant: le personnel déjà embauché conservera son statut actuel, tandis que les nouveaux recrutements se feront à partir d’un statut réformé. Dans ce sens, la direction des CFL a fait effectuer des études dites de „benchmarking“, mot à la mode dans les boî tes de consultants, et consistant à comparer les coûts – le plus souvent salariaux – dans une optique d’optimisation de la concurrence. En gros, la note stratégique des CFL propose une baisse des rémunérations de 30 à 50 %. Cette note avait déjà été retirée à la suite d’une mobilisation des cheminots en mars 2003. Elle a refait surface.

Les salaires et conditions de travail de la fonction publique et des secteurs assimilés ont longtemps influencé les négociations de contrats collectifs du secteur privé. Un démantèlement des acquis sociaux des cheminots pourrait ouvrir non seulement la porte vers une chute de la qualité de service pour les usagers, mais également vers des dégradations dans d’autres secteurs.


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