Ce n’est pas un film, c’est une épopée qui se clôt. Avec « The Dark Knight Rises », Christopher Nolan met un point final à une oeuvre grandiose et parfois un peu trop complexe.
Dans ce dernier opus de 160 minutes, les frères Nolan (Christopher à la réalisation et au script, Jonathan au scénario) nous font plonger dans les ténèbres. Descendre dans les tréfonds de l’âme d’un Bruce Wayne (Christian Bale) qui vit reclus dans son manoir à Gotham City, déprimé et pouvant à peine se déplacer sans sa canne. Depuis huit ans, il porte volontairement le poids de l’infamie, ayant accepté d’endosser la fausse culpabilité de la mort de Harvey Dent (alias « Pile-ou-Face »), célébré tel une idole. Batman est mort, mais la lutte contre le « mal » va le ressusciter. Le « mal » ? C’est justement sur ce point que Nolan intrigue le plus. A l’image du film précédent qui confronta Batman au Joker, « TDKR » oscille entre manichéisme et dialectique luciféro-christique. Gotham City, ville de 12 millions d’habitants, centre du monde capitaliste est « nettoyée » du crime depuis la retraite de Batman.
Mais c’est sans compter avec un certain Bane (Tom Hardy), géant musclé à la voix impressionnante, dont la partie inférieure du visage est masquée afin d’assurer sa survie (oui, oui, comme Darth Vader) qui va organiser une gigantesque prise de pouvoir à la tête d’une armée de criminels dont il organise l’évasion. C’est là que ça se complique : menaçant de détruire la Gotham/Babylone entièrement, il appelle la population à reprendre son du aux nantis (les « vrais » criminels »), qui sont traduits devant des tribunaux expéditifs. Bane, ancien de la Ligue des Ombres de Ra’s al Ghul (littéralement « la tête du démon » en arabe) – l’immortel mentor de Wayne dans « The Dark Knight Begins » – entend accomplir les desseins de ce dernier : rétablir « l’équilibre » sur terre, même s’il faut en passer par la destruction de Gotham, ville gouvernée par les traders, l’oligarchie corrompue et qui n’emprisonne que la lie du crime. L’on sent que Nolan ne laisse pas Batman/Wayne sombrer dans sa crise existentielle : le héro n’ignore pas les vicissitudes de la société qu’il a choisi de servir. C’est peut-être aussi une des raisons pour laquelle il s’en tient à distance et ne sait pas toujours s’il doit intervenir ou non. Des hésitations que son âme damnée Selina Kyle/Catwoman (Anne Hathaway) très cynique tente régulièrement de faire pencher en faveur du « côté obscur ».. Il le fera tout de même, décidant de sauver des innocents, qui, comme cela est exprimé par une protagoniste, ne méritent pas ce qualificatif. Un seul personnage, le jeune officier de police (Joseph Gordon-Levitt), dont on devine le destin, endosse l’armure d’un chevalier blanc.
Nolan a donc brillamment réussi à conclure son difficile pari épique. Inutile de revenir sur le casting parfait – Christian Bale qui joue beaucoup plus Wayne que Batman, Anne Hathaway qui incarne à la perfection une jeune fille très forte (et très séduisante) ainsi que Tom Hardy, dont le masque, contrairement à ce que certains critiques ont déploré, donne une toute autre dimension à son jeu. L’on comprend l’intention métaphorique de Nolan, sa volonté de donner de la densité à son oeuvre. Peut-être aurait-il pu se montrer plus économe quant aux dialogues, comme s’il craignait que son « message » ne fût pas compris par tous. A force, on en sort un peu assommés. Comme Batman.
Dans les salles de l’Utopolis, Ariston, CinéBelval, Starlight, Kursaal, Cinémaacher, Prabbeli, Sura et au Scala.