Dans « The Paperboy », les stéréotypes américains sont légèrement détournés au profit d’une intrigue shakespearienne. Malheureusement, certains caractères ne tiennent pas la route.
1969, aux fins fonds de la Floride rurale. Ward Jansen, journaliste au Miami Times, reconnu pour ses recherches et son état d’esprit humaniste, revient dans sa ville natale de Lately pour conduire une enquête sur l’incarcération et la condamnation à mort d’un homme, Hillary Van Wetter, qu’on accuse d’avoir tué le sheriff local. Il y retrouve aussi sa famille : son père, l’éditeur en chef du canard local qui n’est pas vraiment aux anges de revoir son fils renifler sur ses terres, son jeune frère Jack qui vient de se faire virer de sa fac pour une histoire débile, ainsi que leur femme de ménage et nounou Anita. Le fait qu’il soit accompagné de Yardley Acheman, un collègue noir chargé de l’écriture de l’article, n’arrange pas les choses dans ce comté arriéré où le vent de l’histoire récente – le mouvement des droits civils des noirs américains – n’a pas encore soufflé.
Le trio constitué par Acheman et les deux frères Jansen reçoit l’aide – non sollicitée – d’une jeune femme un peu fêlée du nom de Charlotte Bless. Celle-ci prétend aimer les hommes dangereux et passe son temps à écrire des lettres à des meurtriers emprisonnés. En tombant sur Hillary Van Wetter (John Cusack au top de sa forme), c’est le grand amour. Pour elle, ce « hillbilly » qui a toujours vécu dans une cabane au fond des marécages floridiens, vivant de menus larcins et se nourrissant d’alligators, c’est le vrai, le seul et l’unique, et elle est prête à tout pour le faire libérer. Assez vite, l’enquête démontre des failles dans l’accusation de Hillary Van Wetter : des preuves mystérieusement disparues, un alibi que personne n’a voulu vérifier, mais qui – apparemment – tient la route, ainsi que la preuve que l’inculpé était depuis longtemps la bête noire de la police locale. Cela suffira-t-il pour le sauver de la chaise électrique ? Et, surtout, est-il vraiment innocent ? Ces questions ne constituent qu’un prétexte pour le réalisateur Lee Daniels – qui avait déjà défrayé la chronique avec « Monster’s Ball » – pour jouer sur les stéréotypes de l’époque et ses contemporains.
Car si l’histoire est racontée depuis la perspective d’Anita (jouée par la chanteuse Macy Gray) elle se concentre assez vite sur les frères Jansen qui sont au centre du dénouement tragique du film. Ce sont surtout les renversements de clichés que Daniels opère qui font de « The Paperboy » un film intéressant : la victime n’est pas noire et pauvre, mais blanche, raciste et arriérée. Yardley Acheman, l’afro-américain qui assume pleinement ses droits récemment acquis et confirmés, est plutôt à ranger du côté des personnages machiavéliques qui tirent les ficelles de marionnettes que sont pour lui les frères Jansen, tout comme Charlotte Bless. Il ne reste qu’Anita pour remplir le cliché de la femme noire qui est malgré tout restée esclave dans son for intérieur, même si elle remplit ses tâches avec beaucoup de cynisme.
Si tout cela indique que « The Paperboy » est un film de qualité, il reste tout de même un hic de taille : le scénario et les personnages. Le film est adapté à partir d’un roman de l’écrivain américain Pete Dexter et comme tous les films qui se basent sur un roman, les motivations des personnages restent opaques. On ne comprend pas vraiment les obsessions et les hantises de Charlotte Bless, d’ailleurs interprétée par Nicole Kidman méconnaissable dans le rôle d’une cougar pervertie – ni celles de Ward Jansen. C’est dommage, mais le film reste tout de même à voir.
A l’Utopolis.