BÂTIMENT: Le gentil sondage

Selon un sondage présenté cette semaine, presque tout irait pour le mieux dans la branche du bâtiment. Surtout lorsque le patronat tente de le prouver en payant pour.

L’image ne pourrait être plus contrastée : le mercredi, l’organisation patronale du bâtiment présente une étude réalisée pour son compte par l’institut de sondage TNS-Ilres et qui affirme que les employés de ce secteur se disent grosso modo satisfait. Le lendemain, patronat et syndicats se rencontrent pour une réunion de conciliation à propos d’un conflit social qui dure depuis plusieurs mois. Une réunion qui tournera court à cause d’un problème juridique : il aurait fallu que la convention collective, qui est venue à échéance en 2009 et qui est en cours de négociation, fût annulée avant la conciliation. La prochaine réunion a ainsi été fixée au mois de janvier de l’année prochaine.

Le sondage tombait-il donc à pic ? Charles Margue, le directeur de TNS-Ilres met la date de présentation sur le compte de certaines contingences de temps. Mais n’étant pas dupe lui-même, il concède qu’il n’aurait pas fait de sens « de la présenter le lendemain de la réunion de conciliation ». En tout cas, l’étude n’a pas fait rire à Esch, à la centrale de l’OGBL. Le 27 septembre, le syndicat majoritaire dans la branche s’était fendu d’un sévère communiqué intitulé « Halte à la manipulation ! ». En effet, le syndicat avait appris, par le biais de ses délégués sur le terrain, qu’une étude était en cours de réalisation. A ce moment, le commanditaire de l’étude souhaitait évidemment garder l’anonymat. Mais déjà, l’OGBL flairait le coup : « Le contenu et le moment de publication de cette étude laissent présumer que son commanditaire n’est autre que le patronat du secteur du bâtiment qui semble vouloir manipuler l’opinion publique et influencer les salariés du secteur. Le résultat de cette enquête ne peut être que faussé de par la forme des questions posées ».

Il va sans dire que TNS-Ilres n’a pas apprécié la critique. Charles Margue nous a confirmé que l’institut a envoyé une lettre à l’OGBL le menaçant de poursuites en cas de récidive. Comme quoi, on ne critique pas les faiseurs d’opinion et encore moins le patronat. En tout cas, Margue défend la procédure d’enquête. Après avoir informé les chefs d’entreprises qu’ils allaient procéder à une enquête (mais sans leur préciser la date de leur venue), les enquêteurs ne leur auraient téléphoné qu’une demi-heure avant leur venue sur le chantier. Les ouvriers se seraient ensuite rendus dans un lieu de réunion (en principe un container) et les enquêteurs leurs auraient distribué les questionnaires en restant à leur côtés. Les salariés quant à eux, pouvaient discuter entre eux.

Même si l’on accorde sa bonne foi aux affirmations de l’institut de sondage, l’on peut légitimement se demander si la réalisation de l’enquête sur le lieu de travail est une méthode appropriée. Et l’on est en droit de questionner la perception individuelle de la satisfaction au travail. Les résultats de l’enquête ont de quoi étonner : 82 % (« satisfait », « très satisfait » et « extrêmement satisfait ») affirment être satisfaits de leur situation professionnelle. 87 % recommanderaient de venir travailler dans l’entreprise actuelle et autant y postuleraient à nouveau. Soit dit en passant, une autre réponse affirme que plus de la moitié des sondés craignent de perdre leur emploi. Autant dire que l’on peut facilement se dire satisfait d’en avoir un ! Là où ça coince, c’est au niveau de la satisfaction à propos des salaires où seuls 39 % se retrouvent dans le camp des « satisfaits ».

Et évidemment, les opinions sont plus partagées à propos de la revendication patronale (et objet de discorde majeur dans la négociation de la convention collective) de rallonger le temps de travail hebdomadaire maximal de 40 à 52 heures de mai à octobre (seuls 42 % sont d’accord). Et là aussi, il y a désaccord de fond quant à l’interprétation de la rémunération de ces heures supplémentaires. Tandis que le sondage affirme que ces heures seraient payées en heures supplémentaires, l’OGBL précise que tel n’est pas le cas : le patronat envisagerait en effet de verser les majorations de ces heures dans un « compte d’heures dans lequel les employeurs peuvent puiser à leur gré pour renvoyer le salarié chez lui sans tenir compte de la volonté de ce dernier ». Question d’interprétation. Tout comme ce sondage.


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