En décidant d’abandonner « temporairement » le bâtiment principal de l’avenue de la Liberté, Arcelormittal risque de s’attirer définitivement l’ire populaire.

Et encore une nouvelle « choc ». Entre-temps, on est tenté de croire qu’Arcelormittal produit plus de mauvaises nouvelles qu’il ne produit d’acier. Mais cette fois, ce n’est pas une usine qui est mise « provisoirement » à l’arrêt, mais bien le bâtiment principal d’Arcelormittal sur l’avenue de la Liberté. Une adresse que tout bon Luxembourgeois se doit de connaître, et qui figure, dans un certain sens, au patrimoine national – du moins du côté du ressentiment. Ce palais de la sidérurgie, que l’on fait parfois passer pour le palais grand-ducal aux touristes, est devenu l’un des symboles du pouvoir économique luxembourgeois. De nombreuses légendes se tressent autour de ses murs et ce n’est pas pour rien que sous l’occupation nazie, le Gauleiter Gustav Simon l’avait préféré à d’autres bâtiments comme lieu d’exercice du pouvoir. En traitant son siège comme une vulgaire usine, Arcelormittal risque d’éveiller la bête qui sommeille en chaque bon Luxembourgeois et qui se réveille quand quelqu’un touche à ses symboles nationaux. Il suffit de se rappeler les scènes qui se sont déroulées à Diekirch, lorsque la brasserie locale risquait la disparition.
Immanquablement, cette nouvelle a produit des réactions politiques. Et des plus extraordinaires en plus. D’un côté, on assiste à de curieuses alliances au niveau local, par exemple quand Serge Wilmes du CSV et Justin Turpel de Déi Lénk revendiquent en somme la même chose : la récupération du bâtiment par l’Etat. Ce qui a posé d’ailleurs des problèmes au parti des pirates. Dans une intervention en ligne, leur président s’est échauffé et a défendu le droit à la propriété privée de Lakshmi Mittal. Pas sûr cependant que de telles prises de position vont attirer des électeurs à son parti. Il serait tout de même intéressant de connaître les réactions des responsables politiques impliqués, comme celle de la ministre de la Culture, Octavie Modert, qui est également responsable du Service des sites et monuments nationaux. Car le problème principal avec ce bâtiment, qui date de 1922, c’est qu’il n’est pas protégé officiellement. Certes, la procédure serait en cours et il est de toute façon logé dans une zone protégée par l’Unesco au titre de patrimoine mondial ; toujours est-il que ce manque de protection peut vouloir dire deux choses : soit le Service des sites et monuments nationaux a commis encore une fois une grosse boulette, soit l’Etat n’a même pas osé intervenir auprès du propriétaire, jugé trop important pour l’importuner avec de telles bagatelles.
Alors, est-ce que l’Etat va intervenir ? Entendra-t-on des phrases comme celles du ministre français du Redressement productif qui a clamé haut et fort qu’il ne voulait plus d’Arcelormittal dans son pays, ce qui a d’ailleurs choqué la famille Mittal, qui devrait pourtant se rendre compte qu’on ne trahit pas ses promesses impunément ? Tandis qu’en France, le ministre et même le président évoquent une nationalisation – du moins temporaire – de Florange, au Luxembourg par contre, le ministre de l’Economie Etienne Schneider se distancie de son camarade socialiste et de ses propos guerriers. Alors qu’au moins pour le siège, l’Etat luxembourgeois devrait se mobiliser – car pour une possible réaffectation du bâtiment, les idées ne manquent pas.