REBECCA THOMAS: God’s Vessel

Une cassette audio peut-elle être à l’origine d’une nouvelle « Immaculée Conception » ? C’est la question qui donne à « Electrick Children » une tournure certes humoristique mais honnête sur l’Amérique profonde et ses contradictions.

Elle attend l’enfant divin.

Pour la jeune Rachel, qui vient d’avoir quinze ans, la vie dans la réclusion religieuse et sous la férule de l’absolutisme est la seule chose qu’elle connaisse – donc la normalité. Dans la communauté mormone de l’Etat de l’Utah où elle a grandi, la société en est encore à un état que certains décriraient comme « original », mais qui en fin de compte ne peut être qualifiéeautrement qu’arriéré. La soumission des femmes aux hommes est sous-entendue, la vie est dédiée à la prière et au travail, les mariages sont arrangés par les parents et chaque imperfection qui viendrait troubler l’utopique idylle est attribuée aux voies du Seigneur qui – généralement – restent impénétrables. Mais voilà, l’adolescence, c’est aussi le moment de la rébellion et l’envie de briser les limites de la vie que l’on a menée jusque-là. Pour Rachel, ce moment vient lorsque son père – et leader spirituel de la petite communauté – enregistre sa voix au cours d’une petite interview dans laquelle elle doit renouveler son affection à la foi. Intriguée par ce curieux petit truc qui a enregistré sa voix, elle le cherchera et le trouvera. Mais pas uniquement cela, car elle tombera aussi sur une cassette bleue avec de la musique, comme elle n’en a jamais entendu : du rock.

A partir de ce moment, la vie de Rachel change de fond en comble. Munie de son petit enregistreur, qu’elle a su dérober à son frère, elle se met à enregistrer ce qu’elle voit et ce qu’elle vit – donnant naissance en même temps à une voix off qui va accompagner le reste du film. Mais le problème, c’est qu’après cette première rencontre avec la mystérieuse cassette, Rachel n’a plus ses règles. Naïve comme on l’a éduquée, la jeune fille est persuadée de porter en elle une conception immaculée. Sa mère, qui ne croit pas tellement aux miracles, lui fait faire un test – qui confirme l’heureux événement à venir.

L’expulsion du « paradis » qui s’ensuit est brutale. Le frère de Rachel, que les parents suspectent d’être coupable ou du moins conscient du « péché » que leur fille doit avoir commis, est expulsé. Concernant Rachel, sa main est promise à un garçon d’une famille alliée – dans l’ultime espoir de cacher la misère au reste de la communauté. Mais Rachel ne se laisse pas faire et prend la fuite à bord du truck familial. Sa direction : « Sodome et Gomorrhe », ou plutôt Las Vegas.

Dans cet autre monde, elle part à la recherche de l’homme qu’elle a entendu chanter sur la cassette bleue – persuadée qu’il en sait plus sur le miracle qui lui arrive. Mais elle fait surtout des rencontres avec des jeunes de son âge, totalement désabusés et assujettis à la société de consommation. Commence alors une éducation sentimentale qui va changer sa vie et celle de ses rencontres à tout jamais.

L’aspect positif d’« Electrick Children », c’est que le film, malgré un scénario qui pourrait laisser penser autre chose, ne fait pas dans le manichéisme. Lors des premières rencontres dans les rues de Las Vegas, on aurait aisément pu faire de Rachel une parodie de la jeune fille naïve et perdue dans la grande ville. Mais Rebecca Thomas lui laisse une certaine dignité, qui est peut-être difficile à saisir pour un Européen athée : même dans l’endroit qui attire les pécheurs du monde entier, la religion et aussi les bienfaits du fait spirituel ont leur place. On est en Amérique, après tout. C’est pourquoi le ton humoristique d‘ « Electrick Children » n`est jamais aux dépens de ses protagonistes et c’est aussi le sens de ce film surprenant : ne jamais se fier à ce que l’on croyait sous-entendu et garder les yeux ouverts sur les clichés.

Ce vendredi à la Cinémathèque dans le cadre du festival Discovery Zone.


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