SONDAGES: Superficiel

Le Wort gratifie à nouveau ses lecteurs de son sondage ambigu. En choisissant des critères apolitiques, le quotidien n’informe sur rien, à part sur sa volonté de vendre du papier.

Si l’on veut bien accorder un minimum de crédit au dernier sondage TNS-Wort, le crépuscule du dieu de Capellen s’annonce. Le champion toutes catégories des sondages et suffrages ne serait plus que deuxième au niveau de la « compétence » et troisième en termes de « sympathie ». Encore faudrait-il prendre au sérieux ce sondage : que signifie « compétence » ? Compétence à « gérer un dossier » ? Compétence à maîtriser les questions techniques ? Compétence à communiquer ? Compétence à donner l’impression d’être compétent ? Ce sondage est d’un apolitisme abyssal, et ne redore ni le blason de ses commanditaires ni celui de ses exécutants.

Mettons-nous devant le cas concret. Si un sondeur devait nous appeler et nous confrontait à la question suivante : « Estimez-vous que Luc Frieden est compétent ? », nous serions bien embêtés. D’une certaine manière, oui, il fait preuve de compétence, il en donne en tout cas l’impression. Force est de constater qu’il ne semble pas se perdre dans les chiffres et la complexité inhérente aux sujets dont il est responsable (les finances). Nous répondrions, malgré tous nos doutes face à l’incongruité de la question, par « oui ». Par contre, il ne nous viendrait jamais à l’idée de lui accorder ne serait-ce qu’un centième de suffrage. Pour la simple raison que nous votons en fonction de nos opinions politiques.

Plus loin, le sondage nous présente un « fromage » traitant de la sempiternelle question concernant la « confiance » dans les partis politiques. Exemple le plus flagrant : l’ADR n’y recueille systématiquement qu’entre un ou deux pour cent. Il en va toutefois autrement lors des élections, où, que cela plaise ou non, il récolte peu ou prou dix fois plus. Evidemment, l’on nous répondra que la question traite non pas de l’intention de vote mais de la « confiance ». D’accord, ce n’est pas la même chose, bien qu’il nous paraisse difficile d’imaginer qu’un électeur, à moins de faire preuve d’un masochisme tout particulier, puisse accorder ses suffrages à une liste ne lui inspirant aucune confiance. Mais nous ne nous satisfaisons pas de cette réponse : ces chiffres sont en réalité interprétés comme des intentions de vote. Car franchement, sur quoi nous renseigne une cote de confiance, surtout concernant des partis politiques, et à un an des législatives de surcroît ? Sur ce plan, malgré d’autres critiques que l’on pourrait leur adresser, les sondages publiés par le Tageblatt, qui se focalisent sur les intentions de vote, font preuve d’une plus grande franchise.

« Avec ce genre de sondages, le Wort joue le jeu de ce qu’il déplore. »

Le pire, c’est qu’au Wort, ils ne savent pas comment se sortir des calamités qu’ils impriment. En témoigne le commentaire qui accompagne les sondages. La journaliste y fait part de ses réflexions relatives aux conséquences de l’influence des nouveaux médias sur la perception politique des citoyens : ils favoriseraient le commentaire rapide et irréfléchi et renforceraient le caractère « subjectif » des réponses des sondés – comme si les questions posées étaient d’une objectivité phénoménale. Les politiques quant à eux seraient piégés et ils ne leur resterait pas d’autre moyen que de jouer le jeu de la superficialité. Passons sur le fait que le Wort ait du mal à encaisser la baisse de tonus de son champion (et encore, il reste sur le podium après 18 années à la tête du gouvernement). Qu’il doive « expliquer » à ses lecteurs la « raison » du désamour croissant : qu’il est plus difficile de gouverner en temps de crise que de critiquer depuis l’opposition, comme le fait le nouveau chouchou des sondages Xavier Bettel. Mais avec ce genre de sondages, tout centrés sur l’émotion, la subjectivité, la personnalisation de la politique et la dépolitisation des acteurs politiques, le Wort joue le jeu de ce qu’il déplore. Ce qui prouve que les médias électroniques n’ont pas le monopole de la superficialité.


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