La coupe est pleine

Après des années d’absence de dialogue social et de revendications patronales éhontées, les syndicats du bâtiment se préparent à la grève.

Ce n’est un secret pour personne : le secteur du bâtiment est particulièrement dur. Pas uniquement parce que le travail y est éprouvant. Mais aussi parce que le patronat n’y va pas de main morte quand il s’agit de tirer un maximum de profits des travailleurs. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit allé jusqu’à payer l’institut TNS-Ilres pour un sondage réalisé dans des conditions douteuses (ouvriers interrogés sur leur lieu de travail) l’année passée afin de faire croire à l’opinion publique que les travailleurs s’y sentiraient comme des oeufs en gelée. Et pour cause : le patronat du bâtiment devait sentir qu’il allait tôt ou tard faire face à un conflit social.

Cette semaine, les syndicats OGBL et LCGB ont sonné le tocsin lors d’une conférence de presse commune. Les griefs sont multiples. En premier lieu, ils rappellent que les négociations n’avancent plus depuis 2009. En cause : les revendications patronales qui vont très loin, même au-delà des limites fixées par la loi. Alors que celle-ci fixe la durée hebdomadaire maximale de travail à 40 heures (voire 48, mais payées en heures supplémentaires), le patronat avait commencé à revendiquer 56 heures hebdomadaires pour finalement se « borner » à 52. Dans un milieu où il vaut mieux avoir une mentalité de voyou que d’enfant de choeur, la loi ne représente qu’un obstacle pénible à l’augmentation des profits…

Travailler plus et gagner moins

Et à propos de profits : le patronat revendique surtout une nouvelle « organisation du travail ». L’augmentation de la durée de travail hebdomadaire ne lui suffit pas. Il veut également étendre la durée quotidienne à 12 heures, faire travailler les samedis, obtenir la fin des majorations pour travail supplémentaire et obliger les salariés à financer eux-mêmes leur chômage intempéries. Cette dernière mesure pourrait ainsi engendrer une perte de salaire oscillant entre 520 et 877 euros par semaine d’intempéries. « Et il faut rappeler que la dernière augmentation de salaire a été obtenue en 2008 », ajoute Jean-Luc de Matteis, secrétaire syndical de l’OGBL chargé du bâtiment. Elle fut d’ailleurs minime : dix centimes d’euros l’heure. Car le refus de dialogue du patronat lui a permis de passer outre d’autres augmentations.

Voilà pourquoi les syndicats demandent une compensation à cette perte de pouvoir d’achat concrétisée par un versement de 750 euros pour les années 2009 et 2012 et une augmentation annuelle d’1,5 pour cent sur les années 2013 à 2015. Des revendications assez modérées qui couvrent à peine le manque à gagner dû à la manipulation de l’index. De plus, ils demandent des améliorations au niveau de la sécurité et un meilleur accès à la formation continue.

Mais pour l’instant, le patronat fait la sourde oreille. « Ils vous (la presse, ndlr) rencontrent plus souvent que nous. C’est peut-être une façon moderne de communiquer, mais ce n’est pas une manière d’assurer le dialogue social », estime de Matteis. En tout cas, les syndicats sont prêts à en découdre. Côté OGBL, les délégués se sont prononcés en faveur d’une procédure de non-conciliation, qui peut aboutir, au bout de 16 semaines, à la grève. Le LCGB de son côté, va convoquer un référendum auprès de ses membres – 75 pour cent sont nécessaires afin d’ouvrir la voie à la grève. Ces 16 semaines, les syndicats vont les mettre à profit afin de préparer la grève, à travers des campagnes de sensibilisation et de mobilisation. Des réunions dans les entreprises sont prévues, ce qui ne sera probablement pas une mince affaire. Et de Matteis de mettre en garde : « Que le patronat ne compte pas sur les élections sociales pour tenter de diviser l’OGBL et le LCGB. Les intérêts des travailleurs sont supérieurs à cette campagne. »


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