GUILLERMO DEL TORO: Le divan et les monstres

Dans « Pacific Rim », des mégarobots combattent des monstres géants. Cela vous dit certainement quelque chose. Et pourtant, ce blockbuster est surprenant.

Ne vous fiez pas aux apparences : cette frêle jeune femme terrasse des monstres de 2.500 tonnes.

On partait un peu à l’aveuglette. Bon, il est vrai que question science-fiction ou fantastique, nous sommes assez bon client. A fortiori si la réalisation est signée Guillermo del Toro. Mais quand même, on se demande ce qu’on pourra bien dire dans un article à 4.000 caractères à propos de « Pacific Rim ». C’est épique et il y aura de la casse, comme seule Hollywood sait le faire. Et en effet, c’est grosso modo le film. Et pourtant, nous avons été bluffés. Oui, l’article se fera.

Commençons par les méchants. Ce sont de très grosses bébêtes. Vraiment très grosses. Extraterrestres. Mais cachés dans les profondeurs du Pacifique et qui sortent d’une brèche inter-dimensionnelle pour attaquer les mégalopoles des deux rives. On les surnomme les « Kaiju » (qui signifie « bête mystérieuse » en japonais). L’humanité, on s’en doute, est terrifiée. Au début, elle les combat avec ses moyens militaires conventionnels, mais c’est fastidieux (les monstres sont résistants) et une fois que l’un d’entre eux est terrassé, il en ressort un nouveau à intervalle régulier.

Venons-en aux gentils. Devant ce danger, l’humanité « met de côté ses divergences » et s’applique à développer une arme plus efficace pour faire face aux monstres : les Jaegers. Ce sont d’immenses robots de la même taille que les Kaiju. Pilotés par des hommes et des femmes. Mais voilà : pas à la manière que vous pensez, avec trois manettes et deux pédales, non. Les Jaegers sont pilotés à l’aide un « lien neuronal » qui met, comme le nom l’indique, le cerveau du pilote (qui lui se trouve dans la tête du robot) en lien avec la machine qui imite ses gestes. Sauf qu’il nécessite deux pilotes, car un seul cerveau humain risque de surchauffer. Et afin que les gestes et réflexes des deux pilotes soient en harmonie, ils seront également connectés l’un à l’autre. En clair : les deux cerveaux ne font plus qu’un, l’un ressentant et voyant aussi bien le passé que le présent de l’autre. Et plus les deux pilotes se connaissent intimement, plus le lien neuronal est efficace. Ce qui explique que la plupart des paires de pilotes sont soit des couples amoureux, soit des membres d’une même famille.

Dans un premier temps, l’intervention des Jaegers est une véritable réussite. Ils arrivent à terrasser un Kaiju après l’autre. Les pilotes deviennent de véritables popstars mondiales avec leurs styles, leurs techniques et leurs fans respectifs. Un peu à l’image des catcheurs américains. C’est le cas des frères Becket et de leur robot « Gipsy Danger » (c’est une « fille »), considérés comme les meilleurs combattants. Or, leur destin sera chamboulé sur les côtes de l’Alaska lorsqu’ils se verront confrontés à un Kaiju d’une nouvelle qualité, plus grand que les précédents. Gipys parviendra à le terrasser, mais le tribut sera lourd à payer : le robot est fortement endommagé et le monstre réussit à en extraire Yancy (Diego Klattenhoff), le frère aîné. Endeuillé de sa moitié fraternelle, traumatisé car il a ressenti la peur et la douleur de son frère avalé par la bête, Raleigh (Charlie Hunnam) quitte l’armée des robots pour devenir ouvrier sur la construction d’un mur de protection géant « anti-Kaiju ». Mais évidemment, il sera rappelé au service quelques années plus tard par le major Stacker Pentecost (Idris Elba) qui fomente un plan pour venir définitivement à bout de la menace croissante. Il fera ainsi équipe avec une nouvelle moitié, la jeune japonaise Mako Mori (Rinko Kikuchi)…

Il est évident que Guillermo del Toro a voulu réaliser un rêve d’enfant en puisant dans la science-fiction nippone, qui fait la part belle aux monstres et aux robots combattants. Del Toro, c’est le Peter Jackson mexicain : donnez lui un budget monstrueux et il vous réalise un blockbuster intelligent.

De plus, ilréussit là où de nombreuses réalisations idoines échouent : il donne une véritable profondeur psychologique aux personnages. Ce n’est d’ailleurs pas innocent. La trame du film tourne autour du lien cérébral entre deux personnes (et va plus loin, mais nous ne révèlerons rien) qui partagent les mêmes traumatismes, les mêmes fêlures. Et qui combattent des monstres surgis d’une brèche profonde, à la manière des démons tapis dans notre subconscient. Car les Kaiju, dans la mythologie nippone, n’ont pas été inventés dans l’après-guerre. L’archipel, coutumier des catastrophes naturelles, cultive depuis des siècles ces mythes : les monstres étranges surgissant des profondeurs représentent les forces de la nature (et non pas le « mal » judéo-chrétien). Et pour les combattre, il faut savoir faire face à ses propres peurs, mener sa propre guerre sainte intérieure, en somme. Alors, comme c’est l’été et que vous avez certainement plus de temps que d’habitude, ravalez vos préjugés (si vous en avez) et allez voir « Pacific Rim ». Vous vous ferez plaisir.

Aux Utopolis Kirchberg et Belval et dans les salles Ciné Wasserhaus, Cinémaacher, Starlight, Prabbeli, Le Paris et Scala.


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