Miller Claude: Betty Fisher et autres histoires

„Betty Fisher et autres histoires“ de Claude Miller fonctionne comme un thriller émaillé de questions abyssalement profondes.

Notions de famille

Qu’est ce que l’amour maternel? Peut-on remplacer un enfant mort par un autre et éprouver de l’amour pour lui? La notion de morale est-elle une valeur fluctuante en fonction des situations … Tiré du roman de Ruth Rendell, „Un enfant pour un autre“, le film de Claude Miller nous place dans une situation inconfortable, celle de Betty (Sandrine Kiberlain), écrivaine à succès, jeune mère d’un petit Joseph de quatre ans, s’apprêtant à accueillir pour quelques semaines son inquiétante mère (Nicole Garcia).

Dès la scène d’ouverture, le malaise s’installe. Un train fend la campagne. Dans un des compartiments, une mère et sa fille sont assises côte à côte. La gamine tente d’enlever les lunettes noires de sa mère, pour jouer. La maman caresse tendrement la joue de sa fille, puis s’affaire à chercher quelque chose dans son sac: une paire de ciseaux avec laquelle elle se jette brusquement sur sa fille pour lui transpercer la main. On comprend mieux la définition donnée au début, à laquelle on n’avait pas vraiment prêté attention: porphyrie, une maladie du sang provoquant des accès de folie, une tendance extrême à l’égocentrisme, etc. Scène suivante, à Roissy, la fille à grandi, on la reconnaît à sa cicatrice, elle a maintenant un petit garçon qu’elle va présenter à sa mère. On a déjà froid dans le dos tant on sent que la grand-mère évolue sur un mince fil entre raison à peine maîtrisée et folie furieuse.

Quelques heures plus tard, cette grand-mère, qui essaye de reconquérir l’amour de sa fille, va retrouver le petit Joseph gisant par terre après une chute de la fenêtre de sa chambre. C’est à peine si elle le regarde. Le malaise continue à s’insinuer et atteint son paroxysme lorsque, arrivée à l’hôpital, alors que l’enfant est dans le coma, la mère va faire une scène à sa fille pour que celle-ci la ramène illico à la maison: „Mais enfin, le petit est dans le coma, il ne s’en apercevra même pas.“ … Le petit décède le lendemain au beau milieu d’une nouvelle scène d’égocentrisme éclatant de sa grand-mère et celle-ci ne trouvera rien de mieux à faire que d’enlever un enfant plus ou moins ressemblant et de le confier à sa fille pour tenter d’apaiser sa douleur.

Pas inimaginables mais inacceptables

Inimaginable. Le spectateur est complètement happé par la douleur de Betty, abasourdi par la folie de sa mère et se questionne inévitablement sur la manière dont Betty va gérer cette situation. C’est précisément ce que Miller à voulu: „Le théâtre et la littérature sont remplis de gens inimaginables. Prenez Médée qui tua ses enfants. En fait, ils ne sont pas inimaginables mais inacceptables. Mais la vie est faite d’événements inacceptables, c’est en cela que cette histoire touche des choses essentielles de nos vies, et notamment, comment gérer les gens ingérables qui nous sont proches“.

Un film aux accents hitchcokiens, bien que l’intensité y soit parfois inégale. Tout est parfait quand Sandrine Kiberlain ou Nicole Garcia apparaissent à l’écran. L’une se présente toute en souffrance contenue, l’autre est fantasque et imprévisible. L’intrigue s’essouffle parfois lorsque interviennent les personnages secondaires pourtant irréprochables (dont Mathilde Seigner en mère maltraitant le petit garçon enlevé), parce que l’on quitte alors un presque huis clos excellent pour se perdre en intrigues moins maîtrisées.

Séverine Rossewy


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