Cédric Klapisch: L’auberge espagnole

C’est à l’image d’un frigo, dont les règles de stockage interne seront peu à peu chamboulées, que Cédric Klapisch montre le chaos et les valeurs interculturelles d’une Europe studieuse.

BARCELONE L’HOSPITALIERE

Le bordel européen

(gk) – Cédric Klapisch a le chic de faire des films d’auteur, qui ne se prennent pas trop la tête. Pourtant, avec „L’auberge espagnole“, il ne s’attaque pas à peu: raconter l’histoire d’un jeune homme qui, à travers les autres, apprend à se connaître soi-même, pour représenter l’Europe en melting pot, qui pourrait être libérateur si … ? Oui, si …

Selon notre „Petit Larousse en couleurs“, une auberge espagnole est un „lieu où l’on ne trouve que ce qu’on apporte“. Chez Klapisch, c’est un grand appart‘ d’étudiant-e-s atterri-e-s à Barcelone grâce à Erasmus. Ce qui n’est, au départ, rien d’autre qu’un programme d’échange entre universités européennes de citoyens et de citoyennes estudiantin-e-s, nommé d’après Desiderius Erasmus Roterodamus, un „humaniste hollandais d’expression latine. (…) Esprit indépendant et satirique, (…) il chercha à définir un humanisme chrétien (…) préconisant l’entente entre catholiques et réformés.“

Ce qui ressemble d’abord à une mission impossible pour Xavier, le jeune étudiant en économie français, qui se décoincera grâce à son amie lesbienne belge. Il déambule à l’intérieur d’un microcosme de stéréotypes européens. L’Allemand ordonné, l’Italien chaotique, la fière Espagnole, l’Anglaise studieuse – avec son frère sans tact ni manières et, pour un temps, son stupide Américain, l’inconscient Scandinave et aucun étudiant luxembourgeois, sans doute en week-end prolongé chez ses parents. Le tout en édition jeunes sympas.

Ils s’aiment, se détestent et s’aiment tout de même dans ce carnaval des cultures ancré en France et en Espagne. Cédric Klapisch, qui a réalisé et écrit „L’auberge espagnole“, se la joue voyage initiatique au coeur de l’amour et de l’amitié inter-citoyen-ne-s et force trop son happy-end. Mais il y a là un sous-texte vraiment euphorisant sur l’Europe administrative et émotive, qui s’affrontent.

Bonheur estudiantin

Tant l’horreur administrative que le bonheur de vivre ensemble n’y sont que clichés satiriques, tant les jeunes acteurs et actrices savent y faire croire quand même. Tant la fin est téléphonée, tant il fait bon de sortir tout de même avec un goût de bonheur improbable, de ce film au charme estudiantin.

Klapisch, en réalisateur, s’y donne à c´ur joie, mélangeant, par exemple, les techniques d’accélérations ou de superpositions, pour rendre toutes sortes de vertiges: le vertige des institutions, des drogues, de l’amour et celui tout court. Moments biens dosés, où la technique vient remplacer un peu les différentes historiettes, qui tournent beaucoup autour d’une sexualité bien proprette.

Beaucoup de coloris donc, dans ce film qui gère à merveille ses petits épisodes de vie successifs. Beaucoup de couleurs aussi dans cette Barcelone que Klapisch montre surtout, mais pas seulement, dans ses beaux traits. Un peu comme il l’avait déjà fait avec Paris dans „Chacun cherche son Chat“ (1996).

Mais le véritable coup de maître du réalisateur français est, cette fois-ci, le sentiment d’innocence infantile, qui plane sur une auberge espagnole bordélique au message erasmique: préconiser l’entente, grâce à laquelle toute nation retrouvera de son intégrité.

Les jeunes acteurs et actrices excellent-e-s s’amusent tout autant que Klapisch, et contribuent ainsi à faire de ce film à vocation multiculturelle une petite ´uvre bien réussie d’un cinéma européen, qui fait ici démonstration d’un charme souvent désarmant.

Au Ciné Utopia


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