Fédération des hôpitaux luxembourgeois : « Nous sommes les bijoux de la couronne »

von | 27.11.2025

La Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL) prend position sur les projets de privatisation du système de santé, alertant sur l’émergence d’une médecine à deux vitesses. Pour la FHL, la santé est un bien public, qui doit préférer la qualité des soins au rendement financier. Ses revendications rejoignent celles d’une partie du corps médical, des syndicats et de l’opposition, tous sur leurs gardes face au flou entretenu par le gouvernement.

Les dirigeants de la FHL ont fermement défendu une médecine universelle et de qualité, lors d’une conférence de presse au siège de la structure, à Bertrange. (Photo : Fabien Grasser)

Ce vendredi 21 novembre, à l’issue du Conseil de gouvernement, Luc Frieden s’est décerné quelques bons points devant les journalistes en livrant une « rétrospective » de ses deux années à la tête du pays. Un exercice convenu et, pour tout dire, quelque peu ennuyeux. Sans surprise, le premier ministre chrétien-social a dit tout le bien qu’il pense de son action et de celle de son équipe gouvernementale.

Évoquant très brièvement les réformes en cours et à venir dans la santé, Luc Frieden s’est contenté de souligner la bonne coopération entre le parti chrétien-social et son partenaire de coalition du DP sur ce sujet. Une formule lapidaire, pas vraiment à même de lever les doutes et les craintes du secteur hospitalier, du Collège médical, des syndicats, de l’opposition et d’une partie de la population. Pour l’instant, les projets du gouvernement en la matière se caractérisent par leur flou, entretenu par une multiplication d’annonces parfois contradictoires. Depuis le début de l’automne, pas une semaine ne passe sans que la ministre de la Santé, Martine Deprez, ne dévoile de nouvelles mesures ou ne lâche des ballons d’essai destinés à tester les réactions du corps médical ou des syndicats, ces derniers représentant les salarié·es au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale de santé (CNS). Extension des heures d’ouverture des cabinets médicaux, réorganisation des urgences, extension des soins ambulatoires ou encore création d’un master en médecine au sein de l’Uni figurent parmi ces annonces, disparates au point de semer la confusion.

Cela n’est pas sans rappeler la stratégie mise en œuvre pour la réforme des pensions, sur laquelle le gouvernement a fait mine, durant de longs mois, de ne pas avoir de position arrêtée, se dissimulant derrière un fumeux processus de consultation dont il n’a finalement pas tenu compte. « Nous sommes face au même problème d’une ministre qui ne dit pas ce qu’elle pense ni vers où elle veut aller », convient Carlos Pereira, de l’OGBL, tout en relevant une différence de taille : « Contrairement aux pensions, pour lesquelles nous disposons d’une confortable réserve de 30 milliards d’euros, il y a urgence pour la santé, car la caisse de maladie est en déficit. » En cause, des prestations devenues supérieures aux recettes. Une réunion du comité quadripartite, le 13 octobre, a permis de mettre provisoirement à l’abri la caisse de maladie-maternité, l’une des deux branches de la CNS (woxx 1858).

Jusqu’au-boutisme de l’AMMD

La crise est accentuée par le jusqu’au-boutisme de l’Association des médecins et médecins dentistes (AMMD), qui a résilié sa convention avec la CNS, le 31 octobre. Les médecins lui reprochent une revalorisation de 1,34 % de leurs prestations, au lieu des 2,68 % revendiqués. L’association, qui regroupe moins de la moitié des médecins du pays, voudrait pouvoir appliquer des tarifications libres. Et attend impatiemment le feu vert du gouvernement à l’ouverture totale au secteur extrahospitalier des soins ambulatoires. Pour cela, l’AMMD préconise la création de « sociétés de médecins », une potentielle poule aux œufs d’or.

« Sous couvert d’efficacité et de modernisation, cette réforme marque en réalité un tournant dangereux : l’ouverture du système de santé luxembourgeois à la logique du profit », avertit l’Union des syndicats OGBL-LCGB, dans un communiqué du 11 novembre. Tout le monde n’est pas opposé à la création de « sociétés de médecins », qui délesteraient les hôpitaux dans la prise en charge de certains actes médicaux ou chirurgicaux légers. L’ouverture d’une telle structure au Findel alimente déjà la controverse (lire ci-contre).

Au sein du corps médical, les interrogations portent plutôt sur la forme que prendraient ces sociétés privées. Leur actionnariat sera-t-il exclusivement composé de médecins ou sera-t-il ouvert à des tiers, à la recherche de profits ? Y aura-t-il des relations salariales entre médecins ou est-ce que tout le monde sera sur un pied d’égalité ? Passée experte en missions casse-cou, Martine Deprez reste ambiguë sur ces sujets, tout en martelant son attachement au système public basé sur la solidarité et orienté sur la qualité et l’universalité des soins. Comme un air de déjà entendu.

Ce lundi 24 novembre, la FHL a pris la parole sur le sujet, lors d’une conférence de presse dont l’intitulé était limpide : « Garantir l’accès de tous à des soins de qualité. » Les cinq dirigeants de la FHL qui se sont exprimés ont affirmé vouloir livrer leur « position » dans un contexte de réforme. S’ils ont abordé plusieurs sujets, leur opposition à une médecine à deux vitesses est centrale dans leur argumentation.

« Le système a fait ses preuves »

« Le système actuel – public, solidaire et universel – a fait ses preuves et contribue à la stabilité et à la résilience du pays », a tout d’abord exposé le Dr Marc Berna, président de la FHL et directeur général des Hôpitaux Robert Schumann. Posant le constat d’un système hospitalier aujourd’hui « sous pression », notamment sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et d’une pénurie « ponctuelle » de médecins, il a avancé des pistes pour y faire face, comme la digitalisation au service d’une meilleure coordination des parcours de soins. « Nous sommes les garants de la qualité avant les profits », a-t-il affirmé en conclusion de ses propos. Directeur de la FHL, Sylvain Vitali a pour sa part prévenu qu’une « dérégulation risquerait de déstabiliser le financement et l’équité d’accès aux soins ». Les hôpitaux « garantissent la couverture de tous les actes et spécialités, y compris ceux non lucratifs », a-t-il poursuivi, avant d’insister : « La qualité des soins et la sécurité des patients l’emportent sur les intérêts d’acteurs individuels. » Tout en se disant favorable à un secteur extrahospitalier offrant une plus grande proximité avec les patient·es, le Dr Guy Berchem, directeur médical du Centre hospitalier de Luxembourg, a dit « non à un système entièrement libéralisé du secteur extrahospitalier. » Un raisonnement également relayé par le Dr René Metz, directeur général du Centre hospitalier Émile-Mayrisch, pour qui « les sociétés doivent exclusivement être détenues et dirigées par les professionnels y exerçant, sans participation de tiers non professionnels ». Pour le patron des hôpitaux du Sud, il est hors de question de céder à « une orientation tenant compte de considérations économiques au détriment de la primauté de la santé publique ».

Chirurgien passé du privé au public et directeur général du Rehazenter, le Dr Gaston Schütz illustre concrètement pour le woxx les dérives possibles de « sociétés de médecins » insuffisamment encadrées : « Il sera plus rentable d’enchaîner les poses de prothèse de genou, et elles refuseront de soigner les maladies longues et coûteuses. » Le système hospitalier luxembourgeois doit être préservé, car « nous sommes les bijoux de la couronne ». Le message est on ne peut plus clair : la FHL, qui emploie 10.000 personnes réparties dans dix établissements, défend une médecine solidaire, plutôt qu’une illusoire liberté individuelle des patient·es, qui serait mesurée à l’aune de leur portefeuille.

Giorgetti, du béton à la médecine

Pour le groupe Félix Giorgetti, l’annonce était alléchante : une antenne du Centre hospitalier Émile-Mayrisch (CHEM) devait ouvrir dans l’enceinte du gigantesque centre commercial GRIDX, qu’il a inauguré le 18 septembre à Wickrange. Une façon d’élargir son offre commerciale et gastronomique à des services d’imagerie médicale, alors que le CHEM cherche à décentraliser une partie de ses activités pour désengorger les hôpitaux et raccourcir les temps d’attente pour les patient·es. Mais le 17 novembre, le président du CHEM et bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, Christian Weis, a définitivement douché les espoirs du groupe Giorgetti en annonçant l’abandon du projet, le groupe hospitalier voulant d’abord se concentrer sur ses trois sites d’Esch-sur-Alzette, Dudelange et Niederkorn.
L’intérêt de la famille Giorgetti pour la médecine ne s’arrête cependant pas là, puisque l’actuel patron du groupe, Marc Giorgetti, compte parmi les actionnaires de la très controversée FindelClinic, une « société de médecins » qui doit ouvrir ses portes à côté de l’aéroport de Luxembourg, comme l’a révélé le Land le 31 octobre. Aux côtés du promoteur immobilier figure aussi Alain Kinsch, l’ancien patron de EY Luxembourg et membre du DP. Il s’agit donc d’investisseurs davantage connus pour leur fibre entrepreneuriale que pour leur compétence médicale professionnelle. Soit très précisément ce dont ne veulent pas une bonne partie du corps médical, les syndicats et l’opposition, qui pointent le risque réel de voir la rentabilité l’emporter sur la qualité et l’universalité des soins si des acteurs tiers au secteur de la santé étaient impliqués. Parmi les autres actionnaires de ce centre figurent néanmoins deux médecins, les Drs Alain Schmit et Philippe Wilmes, respectivement anciens président et vice-président de l’AMMD. Ils affirment que ce modèle soulagera et participera au sauvetage du système de santé luxembourgeois face à la pénurie de médecins. Rien de moins.
Une autre entourloupe dans ce projet porte sur le nom FindelClinic. L’emploi de l’anglais pour orthographier le mot « clinic » a pour but de contourner grossièrement la réglementation nationale, qui ne permet les dénominations française « clinique » et allemande « Klinik » que pour les seuls « établissements hospitaliers autorisés ». Et comment dit-on « se moquer du monde » en anglais ?

 

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