En annonçant 470 licenciements, Amazon engage le plus important plan social de ces dernières années au Luxembourg. La plateforme se justifie par ses investissements dans l’intelligence artificielle. Les syndicats dénoncent la « cupidité de l’entreprise » aux profits record. Tout à sa volonté de faire les yeux doux aux géants américains de la tech, le gouvernement est dans l’embarras.

(Photo : Wiki Commons)
C’est une illustration de la soumission du politique à la toute-puissance des multinationales : devant les député·es, Georges Mischo a raconté comment la direction luxembourgeoise d’Amazon a refusé de le rencontrer lundi 24 novembre, car « c’était la Black Week et ils n’avaient pas le temps ». Le rendez-vous a eu lieu quatre jours plus tard. « Dont acte », a commenté le ministre CSV du Travail devant la Chambre, ce mardi 2 décembre. Amazon a confirmé au ministre le licenciement progressif de 470 personnes à partir du 1er janvier, soit plus de 10 % de ses effectifs locaux. Avec 4.370 employé·es, la société, qui a longtemps dissimulé le nombre réel de ses salarié·es au Luxembourg, est le quatrième employeur du pays. Face à Georges Mischo, Amazon a immédiatement fermé la porte à un plan de maintien dans l’emploi. Le ministre du Travail s’en remet donc à l’Adem, à qui il demande de mobiliser les moyens nécessaires pour accompagner les futur·es licencié·es. Cynisme d’un côté, résignation de l’autre.
En octobre, le groupe fondé par Jeff Bezos avait prévenu qu’il allait virer 30.000 personnes dans les emplois de bureau à travers le monde. Un nombre finalement ramené à 14.000, que son CEO, Andy Jassy, justifie par de mirobolants investissements dans l’IA et la réduction de la bureaucratie dans l’entreprise au 1,5 million de salarié·es. Des effectifs gigantesques qui ont amené Luc Frieden à relativiser le nombre de licenciements annoncé. Lors d’une tournée sur la côte ouest américaine, du 8 au 12 novembre, le premier ministre avait rencontré Andy Jassy, qui l’avait assuré de sa volonté « de renforcer son partenariat stratégique » avec le Luxembourg. Mais le CEO d’Amazon se soucie peu des atermoiements d’un CEO du grand-duché qui ne demande pas mieux que de dérouler le tapis rouge aux géants de la tech. Peu importe aussi les colossaux cadeaux fiscaux accordés à Amazon pour qu’il établisse son siège européen au Luxembourg, a déploré le député Déi Lénk Marc Baum face au ministre du Travail, ce 2 décembre.
Syndicats malvenus
Pour le LCGB et l’OGBL, ces licenciements révèlent « la cupidité de l’entreprise », qui « a enregistré des bénéfices record de plus de 332 milliards de dollars » en 2024. Ils exigent « la mise en place d’un plan de maintien dans l’emploi avant tout licenciement sec », précisément ce dont Amazon ne veut pas entendre parler. Et l’entreprise n’aime guère les syndicats. Sur les 22 délégué·es du personnel élu·es en 2024, 16 l’avaient été sous la bannière « neutre ». Mais, pour la première fois, les syndicats nationaux représentatifs avaient réussi à placer des délégué·es : cinq pour l’OGBL et un pour le LCGB. Une victoire face à cette société réputée pour son opacité. « Nous sommes minoritaires et nous allons devoir négocier avec les cartes qu’on a », reconnaît Isabel Scott, de l’OGBL. « Nous attendons de voir comment nos experts syndicaux peuvent accompagner la délégation dans les discussions », abonde Maria-Helena Macedo, pour le LCGB. Les syndicats craignent que cette première vague de licenciements ne soit suivie d’autres.
Interrogé par le woxx, le groupe se montre sibyllin. Amazon « a partagé des informations avec les autorités sur les changements organisationnels que nous proposons », indique une porte-parole, qui précise que le « processus de consultation avec les représentants du personnel » a débuté. « Ces discussions renforcent notre engagement en faveur d’un dialogue constructif qui donne la priorité à nos employés », ajoute-t-elle, dans une déclaration qui n’engage à rien. « Dont acte », dirait Georges Mischo.

