L’accord de juillet 2015 entre Claude Meisch et les syndicats de profs continue de semer la discorde jusque chez ces derniers. Au sein de l’Apess, deux fractions se combattent désormais à visages découverts.
Le woxx l’avait un peu prédit : « Les syndicats affaiblis », titrions-nous après la signature de l’accord entre le ministre de l’Éducation et l’« intersyndicale » regroupant les syndicats d’enseignants SEW, Feduse et Apess en juillet 2015. En leur forçant la main pour qu’ils signent, alors que la grande majorité des enseignants y étaient opposés, Meisch pouvait espérer délégitimer les syndicats durablement : c’est ce que nous disions à l’époque. Un an plus tard, au sein de l’Apess, deux fractions se combattent désormais à visages découverts.
Sur le ring : le comité exécutif actuel autour de son président Daniel Reding, à la tête du syndicat depuis huit ans, et un groupe de membres mené par le professeur de mathématiques André Berns, opposé à l’accord du 31 juillet 2015 et bien décidé à obtenir la tête de Reding.
Les 400 votes par procuration
Une assemblée générale ordinaire le 25 mars aurait dû voir l’élection d’un nouveau comité exécutif. Les candidats : le comité exécutif actuel et quatre membres frondeurs, partisans d’une ligne dure envers le ministère. L’assemblée a, elle, eu lieu dans un hôtel, contrairement à ce qui était d’usage ces dernières années. De plus, un service de sécurité privé aurait été engagé et aurait interdit l’entrée à des personnes ne figurant pas sur la liste des membres. Une liste que personne, à part le comité exécutif, n’aurait jamais vue et qui n’aurait pas été actualisée depuis longtemps, selon les quatre candidats anti-Reding. « Bien évidemment, nous n’allons pas divulguer la liste de nos membres », explique Reding, « pour des raisons évidentes de protection des données. »
Le comité exécutif se félicite de sa décision d’engager des agents de sécurité : « Heureusement qu’un service de sécurité était sur place lors de l’AG pour ‘filtrer’ les personnes démissionnaires, n’ayant pas cotisé ou n’ayant jamais été membres. » Par ailleurs, les actuels dirigeants reprochent à l’équipe d’André Berns d’avoir voulu infiltrer des non-membres afin de faire pencher la balance en sa faveur. « Nous étions informés de cette tentative de putsch à venir », dit Daniel Reding.
L’équipe Reding, sûre d’elle, aurait voulu faire usage d’environ 400 votes par procuration, selon les frondeurs. Or, les statuts de l’Apess indiqueraient que chaque membre présent ne peut introduire qu’un seul vote par procuration. Dans la salle, il y aurait eu… 120 personnes. Ce que n’ont pas manqué de faire remarquer des partisans de la fraction anti-Reding, mais aussi le bureau de vote de l’Apess. Par ailleurs, lesdits statuts auraient disparu du site internet de l’Apess.
« Les statuts n’ont pas disparu, nous avons réorganisé notre site », affirme Reding. « Et pour ce qui est des procurations, c’est une pratique qui existe depuis longtemps au sein de l’association et qui n’a jamais posé problème. »
L’assemblée générale ordinaire aurait donc pris la décision de reporter le vote à une nouvelle assemblée générale dans un futur proche. Cette assemblée aurait dû avoir lieu avant l’été. Depuis, plus rien. Selon l’argumentaire du comité exécutif faisant fonction, ce report serait dû à des « problèmes de statuts » apparus au cours d’un procès impliquant l’Apess.
Les « problèmes de statuts »
Le syndicat est, en effet, impliqué dans un procès qui l’oppose à l’État luxembourgeois. Au cours de ce procès, l’avocat représentant l’État a fait valoir l’argument selon lequel « la partie Apess – dont les statuts ne sont pas conformes à la loi – ne saurait se prévaloir de la capacité d’agir en justice, faute de personnalité juridique ». Selon le comité exécutif actuel, ces problèmes de statuts n’ont été identifiés que le 23 mars, soit deux jours avant l’assemblée générale.
Or, argumentent les adversaires de Reding, pour pouvoir changer les statuts, il faudrait déjà qu’un nouveau comité exécutif soit élu et convoque une AG extraordinaire. Le comité exécutif faisant fonction maintient, de son côté, que des élections avant l’été n’étaient tout simplement pas possibles. En cause : une procédure de médiation, impliquant six membres de l’Apess qui avaient introduit un recours contre le déroulement de l’assemblée générale du 25 mars. Parmi ces six membres, selon Reding, des membres ayant introduit une procuration et estimant n’avoir pas bénéficié du droit de se faire représenter.
Une procédure de médiation implique, selon le comité exécutif, « la suspension de toutes les opérations électorales jusqu’à ce qu’un accord ou un échec de médiation soit constaté ».
L’ultimatum
Mais les frondeurs ne sont pas prêts à attendre. Ils ont posé un ultimatum au comité exécutif : soit celui-ci organise des élections avant le 13 octobre 2016, soit d’« autres moyens » seront engagés. Une menace qui ne fait pas fléchir Daniel Reding : « Nous attendrons la fin de la procédure de médiation et la clarté dans le procès nous opposant à l’État. »
Le comité exécutif actuel parle, lui, d’une tentative d’infiltration orchestrée par la Délégation nationale des enseignants (DNE), fondée par le bureau de coordination des comités de profs. Le « bureau de coordination », qui s’était profilé pendant le conflit opposant les enseignants à Claude Meisch comme représentant de la fraction « dure » des profs, opposée à tout accord, tenterait maintenant d’obtenir gain de cause en infiltrant les syndicats.
Pour Daniel Reding, le motif des frondeurs est clair : « Ils veulent notre caisse. » Le SEW comme la Feduse dépendant de syndicats plus larges (OGBL et CGFP), l’Apess serait une proie assez facile. Quoi qu’il en soit, force est de constater que parmi les quatre membres frondeurs, deux au moins font partie du fameux « bureau de coordination ». L’un d’entre eux était d’ailleurs membre de la Feduse jusqu’à récemment.
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