Assises nationales : Cinq heures pour le logement

Annoncées dès décembre, les assises du logement anticipées auront lieu mercredi prochain. Les débats risquent d’être passionnants et passionnés, le public plutôt restreint.

Depuis la tenue des assises du logement en mai 2022, la situation dans le secteur de la construction a connu un revers qui, s’il s’annonçait timidement à travers certaines statistiques, n’avait pas été anticipé par les milieux concernés. Du moins, le secteur n’était pas encore prêt à l’avouer. En attente de plusieurs projets de loi que le gouvernement était sur le point de déposer, les appels à l’État pour qu’il ne se mêle pas trop d’un marché qui battait son plein (en termes de rentabilité pour celles et ceux qui y investissaient) ne cessaient point.

Certes, il y avait eu un ralentissement brutal dû à la crise de la covid, mais une reprise au niveau des actes de vente documentés à travers le volume et le nombre des actes notariés semblait s’installer. Mais dès la fin 2021, les courbes affichaient une tendance à la baisse, qui s’est amplifiée jusqu’au troisième trimestre 2022, le dernier dont les statistiques ont été publiées.

La crise s’est surtout installée au niveau des « ventes en état futur d’achèvement ». Certains projets de promoteurs immobiliers ne trouvent plus les acquéreurs-euses nécessaires. Comme les prix d’achat du neuf n’ont cessé de grimper au cours des dernières années, les investisseurs pouvaient s’attendre à des rendements importants et les entreprises de construction tournaient à fond, de sorte qu’elles pouvaient décliner les offres qui n’étaient pas assez alléchantes.

Or, l’année 2022 a connu, notamment à travers le renchérissement du coût de l’énergie, une forte inflation et l’augmentation des taux d’intérêt sur les prêts au logement. Les banques sont de plus en plus obligées de refuser des crédits hypothécaires dont les remboursements mensuels relatifs aux revenus des intéressé-es dépasseraient les limites légales.

Comme une étape importante dans tout projet immobilier est l’acquisition de terrains dont les prix déjà élevés continuent à croître, certains promoteurs se retrouvent avec de jolis plans et des terrains inoccupés mais payés au prix fort, voire avec des projets plus avancés mais sans repreneurs solvables.

Alors, depuis la fin de l’automne, on réclame l’aide de l’État, qui devrait acquérir ces logements dont le grand-duché a tellement besoin. On se croirait dans la configuration classique des bénéfices (tant qu’il y en a) privatisés et des pertes étatisées. Or l’État peut (et veut) devenir acquéreur, mais le standing et la taille des logements priorisés par les promoteurs, car les plus « rentables » financièrement avant que la crise se soit installée, ne correspondent pas nécessairement à ce dont la plupart auraient besoin. Trop luxueux et trop grands, on n’en veut pas. Et même si la ministre des Finances a cassé sa tirelire et annoncé pouvoir mettre en jeu un demi-milliard d’euros pour différents cadeaux fiscaux préélectoraux, l’envergure avec laquelle l’État sera à même de venir au secours du secteur est incertaine.

Il faudra plutôt attendre la tripartite annoncée par le premier ministre pour le 3 mars afin de savoir quelles mesures seront prises. Il y a aura inévitablement des entreprises qui ne vont pas tenir, et pas seulement celles qui ont eu recours à des méthodes discutables, voire criminelles, comme l’a montré le récent scandale autour de la firme Cenaro. Sans oublier les acquéreurs-euses de logements jamais réalisés qui vont perdre tout ou partie de leur argent, quand les assurances ne pourront pas combler toutes les pertes encourues.

Mais le ministre du Logement, Henri Kox (Déi Gréng), est dans le collimateur à bien d’autres égards. Son projet de loi sur la réforme des baux à loyer est loin de faire l’unanimité. Entre « pourquoi toucher à une loi qui a bien fonctionné », lancé par les lobbyistes des propriétaires, et « halte à l’explosion des loyers », explosion que la société civile craint derrière certains dispositifs prévus par le projet de loi 7642, le ministre a indiqué vouloir débattre sa proposition avec les milieux concernés.

Photo : GilPe/wikimedia (CC BY-SA 4.0)

Des assises « light »

Un premier moment de discussion aura lieu ce mercredi 22 février, lors des « assises nationales du logement » dont le ministre avait annoncé la tenue anticipée fin décembre dernier. En fait, ce sont en quelque sorte des assises supplémentaires, car celles prévues plus spécifiquement autour du logement abordable auront bien lieu début mai sous un format similaire à celui de l’année dernière.

Entre-temps des assises plus « light » sur une seule journée se tiendront donc à l’abbaye de Neumünster et permettront au ministre de présenter l’ensemble des réformes qu’il entend mettre en œuvre, toujours sous l’angle du logement dit « abordable », mais avec un focus sur la crise actuelle. Ainsi, une première table ronde en matinée va traiter des enjeux du marché du logement privé. Cela englobera les questions des baux à loyer et de la crise du secteur, mais aussi de la coopération entre les secteurs publics et privés pour pouvoir favoriser l’accès au logement. En dehors du ministre débattront Julien Licheron de l’Observatoire de l’habitat, Guy Entringer de la SNHBM, le bourgmestre de Diekirch Claude Thill, mais aussi Jean-Michel Campanella, qui préside l’asbl Mieterschutz Lëtzbuerg, ainsi que Roland Kuhn, entrepreneur et membre de la Chambre des métiers.

L’après-midi donnera l’occasion de discuter le cadre légal pour « créer et gérer 10.000 logements abordables au Luxembourg ». Le ministre s’expliquera au sujet de cette promesse pour le moins ambitieuse, tout comme les directeurs du Fonds du logement et de la Fondation pour l’accès au logement, Jacques Vandivinit et Gilles Hempel. Raoul Schaaf, cette fois avec sa casquette de président de l’office social de Redange, et Serge Hoffmann, vice-président du Syvicol, apporteront une touche plus régionale, voire locale, à la question, tandis que Jean-Paul Scheuren, qui préside la Chambre immobilière, y représentera le secteur privé.

On peut cependant regretter que les assises, annoncées comme moment important dans la préparation des réformes envisagées, ne soient pas ouvertes au public. Il est vrai que ces moments d’échange ne peuvent pas fonctionner avec un nombre infini de participant-es, et le nombre d’inscrit-es, qui se situe autour de 130 personnes, touche à des limites purement organisationnelles. Mais on aurait pu espérer que, vu l’actualité, le public intéressé mais non invité aurait la possibilité de participer via un streaming en direct, avec la possibilité d’intervenir éventuellement dans un chat… Des formules que la crise de la covid a popularisées et qu’il n’est pas difficile de mettre en place. Peut-être le public pourra-t-il prendre connaissance des débats en différé. Selon nos informations, ceux-ci seront au moins enregistrés en audio.


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