Ben Wheatley
 : Lutte des étages

« High-Rise » raconte la descente aux enfers anarchiques d’une utopie de vie – celle d’un bâtiment-ville où toutes les classes sociales se côtoieraient. L’adaptation du roman de J. G. Ballard est certes haute en couleur, mais elle ne parvient pas vraiment à devenir attachante.

1379kinoAprès la mort de sa sœur bien aimée, le docteur Laing – psychiatre judiciaire qui travaille avec les cerveaux d’aliénés – décide de changer l’air. Il achète un appartement au « High-Rise », un building dernier cri très spécial. Sur sa centaine d’étages, toutes les classes sociales anglaises sont réparties. Les prolétaires en bas, les classes moyennes au milieu et l’« upper class » dans les penthouses qui dominent le tout. Le bâtiment fonctionne comme une ville autonome, terrain de sport, piscine et supermarché compris.

Bien qu’appartenant à la classe moyenne, Laing va plutôt s’orienter vers les étages inférieurs, car ils lui semblent bien plus sympathiques. Il fait ainsi la connaissance du technicien de télévision Wilder, de sa femme enceinte Helen et surtout de la secrétaire Charlotte Melville et de son fils – un peu spécial – Toby. Lorsqu’il est invité à une sauterie donnée par la femme du grand manitou, un certain Monsieur Royal, Laing est ridiculisé devant tout le monde. On ne lui avait tout simplement pas dit qu’il s’agissait d’une fête costumée genre 18e siècle. En prenant sa vengeance mesquine sur un de ses collègues également présent à la fête, il participe à sa façon à la guerre des classes qui se déclenche entre les étages du « High-Rise » et qui va mener le bâtiment à sombrer dans une folie meurtrière et orgiaque.

Prenez un peu d’ultraviolence, ajoutez-y une bonne dose de sexualité débridée, mettez-les en scène dans une esthétique très années 1970 et saupoudrez le tout d’un zeste de musique classique : ça ne vous rappelle rien ? Pourtant, le film de Ben Wheatley est loin d’être un remake du classique « A Clockwork Orange » de Stanley Kubrick, qui dénonçait bien avant lui la barbarie du libéralisme à outrance.

Tout au plus « High-Rise » est-il un hommage à son ancêtre kubrickien. Mais le film a aussi des mérites au-delà de son esthétique. Celui de nous ramener en arrière et de voir comment les gens des « golden seventies » entrevoyaient le futur. Une sorte de dystopie passéiste si l’on veut, et qui montre des parallèles inquiétants avec l’époque dans laquelle nous vivons.

En un certain sens, « High-Rise » démontre que le cauchemar de J. G. Ballard est déjà de loin dépassé et que la lutte à mort qu’il s’imaginait festive et orgiaque fait bien partie de notre quotidien.

Pour la forme, il y a tout de même quelques bémols à mettre. À commencer par l’esthétique un peu exacerbée et beaucoup de plans-séquences qui ne portent aucun élément narratif. Certes, mettre en scène une orgie de violence sexualisée qui dure des jours, sinon des semaines, faisait bien partie du cahier des charges du réalisateur. Mais on a un peu l’impression qu’il s’y perd. Ainsi, le spectateur non averti – et qui ne connaît pas le roman de Ballard – aura du mal à comprendre le glissement assez rapide vers la barbarie absolue et pourquoi les gens des différents étages se vouent une haine tellement implacable.

Sinon, « High-Rise » profite aussi d’un casting éclectique – Tom Hiddleston dans le rôle de Laing et Elisabeth Moss dans celui de Helen avant tout – qui fait que le film en soi est sûrement l’un de ceux qu’on peut aller voir avant que la programmation de nos salles obscures ne bascule dans le trou d’été.

À l’Utopolis Kirchberg. Tous les horaires sur le site.

L’évaluation du woxx : XX


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