La sagesse populaire prétend que derrière chaque grand homme, il y a une grande femme. « The Wife » s’empare de ce cliché aux relents sexistes pour le retourner. L’intention est louable, mais le traitement parfois maladroit, malgré une Glenn Close en forme épatante.
Joe Castleman et sa femme Joan sont un vieux couple tout ce qu’il y a de plus attachant, comme le cinéma sait si bien les montrer. Et voilà qu’après une vie consacrée à écrire, Joe reçoit un coup de téléphone lui apprenant qu’il est le prochain lauréat du prix Nobel de littérature. Toujours gamins, les deux commencent à sauter sur le lit… jusqu’à ce que Joan sonne la fin de la partie, puisqu’il y a tant de choses à préparer maintenant. Épouse parfaite, appréciée par le cercle d’amis du couple, mère aimante et bientôt grand-mère, elle est le pilier de la famille et, on le devine, un soutien inébranlable pour son écrivain de mari.
Mais voilà que les choses se compliquent, car à l’occasion de la remise du prix, le voyage du couple à Stockholm tourne à l’affrontement conjugal. On sentait bien d’ailleurs que l’équilibre était fragile, notamment à cause de l’attitude de Joe face à son fils, David, qui voudrait tant que son père lui donne son avis sur une nouvelle qu’il a écrite. Un avis qui ne vient pas et quand il arrive, il n’est que vagues platitudes. Autre craquelure dans la vie trop parfaite des Castleman, les insinuations d’un futur biographe non autorisé qui prétend que le style de Joe s’est énormément amélioré après sa rencontre avec Joan, trente ans plus tôt.
Armé de cette histoire bien troussée due à la plume de l’autrice Meg Wolitzer, le cinéaste Björn Runge parvient à séduire surtout grâce à la performance magistrale de Glenn Close en Joan. L’actrice est absolument éblouissante en épouse qui a tout supporté, notamment les liaisons de son mari et les renoncement à ses propres ambitions littéraires. C’est le dévoilement progressif de son dévouement au-delà de toute raison qui porte le film. Glenn Close trouve ici un grand rôle et, franchement, éclipse le reste de la distribution, à part peut-être Jonathan Pryce, qui joue l’écrivain vieillissant, malade et torturé avec beaucoup de savoir-faire.
Pour le reste, à part quelques touches bienvenues d’humour à froid scandinave, « The Wife » ne soutient pas par sa forme le talent de Close et Pryce. Le réalisateur utilise par exemple avec trop de complaisance les flash-back pour planter une histoire que les deux protagonistes suffiraient à rendre crédible. On imagine que c’est quelque peu pour casser l’impression de théâtralité, de duel de monstres sacrés ; mais le résultat semble convenu. Tout comme peuvent sembler bien fades auprès des deux géants celles et ceux qui incarnent les rôles secondaires. Non par manque de talent, d’ailleurs, mais surtout par la place étroite qui leur est donnée dans le récit. Un comble, lorsqu’on sait que le principal reproche que Joan fait à Joe, juste après leur rencontre, est de ne pas assez faire vivre ses personnages. Le tout use de codes cinématographiques largement connus, sans beaucoup d’invention.
Faut-il aller voir « The Wife » ? On serait tenté de dire oui, simplement pour la magnifique performance de Glenn Close et, dans une moindre mesure, celle de Jonathan Pryce. Mais il faudra pardonner au film son académisme. Quoique, évidemment, ce style soit probablement approprié pour décrire les préparatifs de la remise du prix Nobel de littérature, décerné par… l’Académie suédoise.
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