Pour la Chambre des salariés (CSL), le compte n’y est pas : bien que le projet de budget 2025 présente une bonne trajectoire financière, il ne propose aucune mesure pour lutter contre la pauvreté et néglige les investissements dans l’environnement ou le logement abordable.
« La lutte contre la pauvreté est un investissement dans l’avenir du pays tout entier », avait déclamé Luc Frieden dans son discours sur l’état de la nation, le 11 juin dernier. De fait, son ministre des Finances, Gilles Roth, a promis une approche « triple S » dans son projet de budget 2025, présenté aux député·es le 9 octobre : le premier « S » (pour Steier) vise un allègement fiscal substantiel, le second une stabilisation de la dette et le troisième un modèle social fort. Problème : les expert·es de la CSL n’ont trouvé que des traces résiduelles du volet social dans le projet de budget 2025, affirme Nora Back, qui a présenté, ce mercredi 20 novembre, l’avis de la CSL sur ce premier budget portant pleinement la signature de la coalition CSV et DP.
« Il n’y a pas de plan concret de lutte contre la pauvreté, les inégalités et les injustices sociales », constate la présidente de la CSL (et de l’OGBL). Notant que la trajectoire financière est bonne, elle déplore « un manque d’ambition dans une époque de grands changements », citant, outre la lutte contre la pauvreté, les baisses des dépenses destinées à l’environnement, au logement abordable ou le peu d’accents placés sur la santé et la formation. « Un budget, ce ne sont pas que des chiffres : il reflète le type de société que nous voulons, dans quel monde nous voulons vivre », renchérit la syndicaliste.
À ses côtés, Sylvain Hoffman, le directeur de la CSL, s’est néanmoins livré à une revue chiffrée, à commencer sur une situation économique s’améliorant après la récession enregistrée en 2023 : cette année, le PIB devrait croître de 1,5 % et de 2,7 % en 2025. Pour encourager la dynamique économique, la CSL demande au gouvernement « de mener une politique de la demande et de soutenir le pouvoir d’achat des ménages », alors que « 60 % du PIB repose sur la consommation intérieure », souligne Sylvain Hoffmann. Tout en accordant un satisfecit au gouvernement pour l’adaptation du barème fiscal à 2,5 tranches d’indexation, il regrette que cette mesure soit annulée par la fin du bouclier énergétique le 31 décembre : « Pour les ménages, c’est un jeu à somme nulle. »
Sur la trajectoire budgétaire proprement dite, il évoque « une situation très favorable en comparaison européenne ». À l’instar du Conseil national des finances publiques (CNFP), il constate que le solde de l’administration centrale dégageait un excédent de 470 millions d’euros fin septembre alors que le ministère des Finances prédisait un déficit de 1,4 milliard en 2024. Cette tendance à noircir le tableau participe « d’une sous-estimation systématique importante des prévisions budgétaires » par les gouvernements successifs, cingle le CNFP dans un communiqué daté du 19 novembre.
Un trou dans le logement
Si le déficit annoncé de la sécurité sociale en 2028 (actuellement en excédent d’un milliard) se confirme, la CSL préconise sans surprise une hausse des recettes plutôt qu’une baisse des prestations et propose notamment « d’externaliser les frais sans lien direct avec la CNS ou la CNAP vers le budget de l’État ».
Dans le domaine des investissements, le directeur de la CSL relève une hausse du budget du ministère du Logement, mais celle-ci s’accompagne cependant d’une baisse de 100 millions d’euros destinés au logement abordable, au détriment donc des ménages les plus vulnérables. En conclusion, Sylvain Hoffmann critique « des mesures fiscales n’abordant pas les grandes injustices du système fiscal et l’insuffisance d’investissements sociaux et écologiques ».
L’avis de la CSL recoupe en partie celui livré la veille par la Chambre des fonctionnaires et employés privés qui, en toute logique, met davantage l’accent sur la défense d’un service public de qualité, tout en insistant sur la nécessité d’établir un réel dialogue social, garant de la stabilité économique.
Pour sa part, la Chambre des métiers s’est adonnée au même exercice en même temps que la CSL. Ses conclusions sont néanmoins très différentes, plaçant au cœur de ses doléances une meilleure maîtrise budgétaire et des dépenses davantage orientées vers les PME. Mais les patrons peuvent se rassurer : si, dans son discours sur l’état de la nation, Luc Frieden avait prononcé seize fois le mot « pauvreté », celui « d’entreprise » y était apparu vingt-huit fois (woxx 1791).