Chambre des salariés Luxembourg : Les temps changent, la lutte continue

Plus de trois mois après la tenue du vote, les 60 représentant·es de la Chambre des salariés Luxembourg (CSL) sont officiellement entré·es en fonction ce 18 juin. Nora Back a été reconduite à la présidence de l’institution. Dans son discours, la dirigeante de l’OGBL a annoncé des changements dans le fonctionnement de la CSL et rappelé les revendications des salarié·es, avec toujours une même ligne rouge sur les pensions.

Le droit du travail n’est pas une variable d’ajustement de la compétitivité, son rôle est de « protéger les travailleurs », a réaffirmé Nora Back devant la nouvelle CSL. (Photo : Fabien Grasser)

Pour la première fois depuis que la CSL est entrée en fonction en 2009, ce n’est pas un ministre socialiste du Travail qui assiste, ce mardi 18 juin, à la séance constituante de sa nouvelle assemblée plénière, mais un chrétien-social. Face aux représentant·es des syndicats, Georges Mischo se fait très lisse quand il lui revient de prononcer le discours d’ouverture de l’événement, qui se tient dans les locaux de la CSL à Bonnevoie. Il évoque un « parlement des travailleurs important pour le dialogue social » et rappelle son rôle, tant sur le plan législatif que dans la formation professionnelle, ou encore dans la production d’études sur le monde du travail. Bref, aucune aspérité dans ses propos face aux 60 élu·es désigné·es par les élections sociales du 12 mars dernier.

Au sein de la CSL, les rapports de force ont peu changé par rapport à 2019. Avec 37 élu·es, l’OGBL y est largement majoritaire, suivi par le LCGB (17), l’Aleba (5) et le Syprolux (1). En toute logique, Nora Back, présidente de l’OGBL, est reconduite à la présidence de la chambre professionnelle, où elle sera secondée par deux vice-présidents : Patrick Dury, patron du LCGB, et Jean-Claude Reding, élu pour l’OGBL dans le groupe des retraité·es et lui-même ancien président de la CSL.

Dans son discours, qui a suivi son élection au poste de présidente, Nora Back s’est montrée un brin plus offensive que le ministre du Travail. Mais avant de passer aux sujets qui fâchent, elle a d’abord remercié les agents du ministère du Travail. Ceux-ci ont en effet dépouillé les quelque 210.000 bulletins de vote qui leur sont parvenus à l’issue du scrutin social. Pour la présidente de la CSL, il ne s’agit pas tant de faire assaut d’amabilité que de souligner une nécessaire réforme de la procédure électorale, à laquelle la chambre professionnelle veut s’atteler avec le ministère « dans les semaines et mois à venir ». Il s’agit notamment de raccourcir le délai de proclamation des résultats du vote, qui est actuellement de plusieurs semaines. Pour les employé·es du ministère, la tâche du dépouillement est chaque fois titanesque et requiert de nombreuses heures supplémentaires, tandis que candidat·es et salarié·es sont plongé·es dans une trop longue attente.

Mieux représenter la main-d’œuvre frontalière

Autre réforme à venir – mais c’est un peu un serpent de mer –, la répartition des sièges au sein des différents groupes constituant la CSL. Depuis 2008, le paysage économique du pays a changé et le poids de certains secteurs a baissé, tandis que celui d’autres a augmenté. L’exemple le plus souvent cité est la sidérurgie, qui conserve cinq délégué·es alors que le nombre de salarié·es qui y travaillent a considérablement diminué depuis 2008. La part de l’électorat employé dans la branche n’est plus que 0,6 %, mais les sidérurgistes occupent toujours plus de 8 % des sièges de la CSL. Nora Back veut également renforcer la part des frontaliers et frontalières au sein de la CSL : les 17 élu·es qui y siègent sont loin de représenter la proportion de la main-d’œuvre frontalière du pays, qui atteint presque la moitié de la population active. Elle voudrait mieux promouvoir encore la place des femmes dans l’instance, alors qu’elles sont aujourd’hui 25 à être élues, contre 35 hommes. Encore un effort, donc, pour parvenir à l’égalité. Voilà en quelque sorte pour la cuisine interne à la CSL.

Reste le fond, c’est-à-dire la défense des intérêts des salarié·es, vocation première de la CSL, que Nora Back présente comme le « miroir du monde du travail ». Très engagée dans la formation continue, la CSL demande une réforme du congé individuel de formation, afin que les salarié·es disposent à la fois de temps et de rémunération pour se former, a-t-elle dit. De la même façon, Nora Back revendique une réforme fiscale « dans le pays où l’imposition des revenus est la moins progressive de l’UE », une hausse structurelle des allocations familiales ou encore l’amélioration des conditions de travail, en constante dégradation. Le droit du travail n’est pas une variable d’ajustement de la compétitivité, son rôle est de « protéger les travailleurs », a réaffirmé Nora Back.

Le carton rouge, c’est évidemment pour la réforme du régime des pensions annoncée par le gouvernement dès son entrée en fonction, alors que ce point ne figurait pas dans les programmes électoraux des partis de la nouvelle coalition, le CSV et le DP. Elle fustige d’abord la réforme précédente de 2012, « qui fait perdre 300.000 à 400.000 euros aux pensionnés qui partiront en 2052, par rapport à ceux partis en 2013 ». Elle répète dès lors qu’il est hors de question de détériorer davantage encore le montant des pensions et que, si réforme il doit y avoir, celle-ci devra porter sur une hausse des cotisations.

Moins d’agressivité sur les pensions

Son opposition à ce projet de réforme est partagée par Patrick Dury, le président du LCGB. « Je reste méfiant sur les pensions, même si le premier ministre a semblé plus mesuré sur la question lors de son discours sur l’état de la nation », le 11 juin dernier, affirme-t-il au woxx. Il se sent en revanche davantage en phase avec les propositions formulées par Luc Frieden pour lutter contre la pauvreté : « La première bonne chose est qu’il en fait un sujet. Ensuite, pour ce que je peux en entendre, l’idée de simplifier les démarches administratives pour que les aides arrivent à ceux qui y ont droit est plutôt bien reçue, car une partie des bénéficiaires potentiels est très mal informée. » Patrick Dury attend néanmoins de voir les résultats de ces mesures pour savoir « si c’est suffisant dans la durée ». Le meilleur moyen de faire baisser la pauvreté dans le pays reste néanmoins « la création d’emplois qui soient bien payés », ajoute-t-il.

Pour sa part, Nora Back approuve également la simplification administrative que Luc Frieden veut mettre en œuvre pour l’accès aux aides sociales : « Obtenir la subvention de loyer, par exemple, est très compliqué, et seules 20 % des personnes qui y ont droit la perçoivent réellement. C’est donc une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant. Si un enfant sur quatre est aujourd’hui pauvre au Luxembourg, c’est d’abord parce que ses parents sont pauvres. Ce qu’il faut, c’est augmenter les prestations et le salaire minimum pour protéger les plus vulnérables », dit-elle au woxx, en marge de la séance constitutive de la CSL.

Comme son homologue du LCGB, la présidente de l’OGBL relève également que Luc Frieden a été « moins agressif » sur le sujet des pensions dans son discours devant le parlement et prend note de son appel au dialogue social en la matière. Le dialogue est au contraire insuffisant sur d’autres sujets comme le logement, « pour lequel les syndicats ont été tout bonnement évincés des discussions ». De façon plus générale, Nora Back estime que, après plus de six mois de gouvernement, le cap suivi reste difficile à saisir : « Il y a beaucoup de flou et pas grand-chose de concret. » Il semble en revanche clair qu’elle continue à voir dans l’OGBL la principale force d’opposition face à un gouvernement davantage acquis à la cause patronale que salariale.


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