L’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du « Marché commun du Sud » (Mercosur) serait sur le point d’être signé, après plus de 20 ans de discussions. Les opposant·es au traité se mobilisent.
Voilà près de 25 ans que le traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Bolivie) est sur la table, mais il pourrait bien être signé avant la fin de l’année – au cours du sommet du G20, les 18 et 19 novembre prochains, ou, plus probablement, lors du sommet du Mercosur, prévu début décembre en Uruguay. « Nous sommes très près de conclure cet accord. (…) Nous avons deux dates clés : le sommet du G20 (…) et le sommet du Mercosur. Nous allons donc travailler à la réalisation de ce grand projet », avait déclaré le premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors du forum économique de Faro (Portugal), fin octobre.
La première organisation syndicale agricole française, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ainsi que les Jeunes Agriculteurs (JA) avaient immédiatement annoncé la reprise des mobilisations mi-novembre – l’abandon de l’accord UE-Mercosur figurait déjà parmi les revendications des agriculteur·rices lors des manifestations monstres du début de l’année. L’appel a été officiellement lancé cette semaine pour une mobilisation « à partir de lundi », jour d’ouverture du G20. Quelques dizaines d’agriculteur·rices belges se sont déjà rassemblé·es mercredi à Bruxelles, à l’appel de la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea), un syndicat qui promeut une agriculture durable. Plus de 600 parlementaires français·es ont pour leur part signé une tribune adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et publiée dans le journal « Le Monde », pour dire leur refus des conditions actuelles de ce traité.
Le traité, bouclé depuis 2019, vise à intensifier les échanges de biens et de services entre les Vingt-Sept et les cinq pays du Mercosur, prévoyant à cet égard la suppression de plus de 90 pour cent des droits de douane imposés de part et d’autre. Alors que le Mercosur s’ouvrira davantage aux produits laitiers européens par exemple, l’UE, quant à elle, devrait voir débarquer sur ses étals encore plus de produits agricoles sud-américains, par le biais de quotas et à des taux préférentiels, voire nuls, en particulier du bœuf (99.000 tonnes par an), de la volaille et du sucre (180.000 tonnes pour chacune de ces denrées), ainsi que du riz, du miel, de l’éthanol… Avec cet accord, la Commission table sur une croissance supplémentaire de 0,1 pour cent d’ici 2032 pour l’UE et de 0,3 pour cent pour le Mercosur. « Si nous ne concluons pas un accord avec eux, ce vide sera rempli par la Chine », a averti la future cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.
Clauses miroirs
Pour les opposant·es au traité, celui-ci constitue une aberration tant sur le plan économique et social que sur le plan environnemental. En important des produits qui ne respectent pas les mêmes règles de production (et donc présentent des coûts de production plus bas) ni les mêmes standards environnementaux (notamment en matière de pesticides) ou de bien-être animal, l’accord favoriserait une concurrence déloyale. Par ailleurs, l’intensification des flux commerciaux contribue à augmenter les émissions de gaz à effet de serre de même que la déforestation, que l’Amérique latine pourrait aussi être tentée d’accroître pour répondre à la demande de viande, de sucre ou d’éthanol.
Si l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal poussent à la mise en œuvre de l’accord, afin de s’ouvrir des marchés et de relancer leur croissance, la France s’y oppose, de même que l’Autriche, la Pologne, les Pays-Bas ou l’Irlande. « Le Mercosur, en l’état, n’est pas un traité qui est acceptable. Nous demandons le respect substantiel de l’accord de Paris, des clauses miroirs (le fait d’imposer les mêmes normes que celles en vigueur en Europe, ndlr) et la protection des intérêts des industries et des agriculteurs européens », avait déclaré fin octobre le président français Emmanuel Macron, toutefois critiqué pour son opposition jugée « de façade » par le collectif Stop CETA – UE-Mercosur. Devant l’imminence possible d’une signature, le premier ministre français Michel Barnier s’est rendu mercredi à Bruxelles pour s’entretenir avec Ursula von der Leyen et tenter de rallier à sa cause d’autres États. Cependant, même si le texte était signé, son application ne serait ni immédiate ni garantie : il devrait passer par plusieurs étapes législatives, dont l’approbation du Conseil de l’UE, puis celle du Parlement européen.