Situé au cœur d’un conflit aux ramifications inextricables, « Tel Aviv on Fire » réussit le tour de force d’offrir une comédie légère et intelligente sur un sujet brûlant. Une coproduction luxembourgeoise réjouissante.
Salam, 30 ans, grand échalas qui n’a pas encore fait grand-chose de sa vie, habite à Jérusalem. Grâce à son oncle, il se voit proposer un stage à Ramallah sur le tournage de « Tel Aviv on Fire », une série palestinienne à succès. Engagé pour vérifier les dialogues en hébreu, il écoute beaucoup et suggère un peu. Jusqu’au jour où, arrêté au check-point qu’il traverse quotidiennement pour se rendre au travail, il rencontre Assi, officier israélien dont l’épouse ne manquerait le feuilleton pour rien au monde. C’est alors que la petite mécanique de vie tranquille et insouciante de Salam se grippe : afin de faciliter son passage, il se présente comme scénariste, et se voit immédiatement proposer des dialogues par Assi, désireux de plaire à sa femme… et d’améliorer l’image d’un général israélien à l’écran.
On se doute qu’évidemment, de fil en aiguille, rien ne va se passer comme prévu. Si la justesse de ton du film est à saluer – la Palestine comme Israël en prennent pour leur grade –, c’est bien le personnage de Salam qui donne corps à « Tel Aviv on Fire ». Au début, l’excellent acteur arabe israélien Kais Nashif traîne sa silhouette de figure burlesque, comme dépourvu d’une volonté propre, acquiesçant à chacune des suggestions venant de tous les bords. Mais comment contenter un officier israélien tatillon, un oncle obsédé par le soutien des investisseurs, une diva française engagée pour l’audience, voire une ex-petite amie qu’il voudrait reconquérir ? En trouvant enfin de lui-même, dans une fin inattendue, l’astuce de scénario qui assurera la satisfaction du public entier. Ce personnage de comédie à l’ancienne, dans une quête d’affirmation à la fois profonde et amusante, est une des grandes réussites du film.
S’ajoute à cela une distribution très en verve, où Yaniv Biton, dans le rôle du commandant Assi, offre un pendant idéal au nonchalant Salam : sa psychorigidité du début, dans un mouvement inverse de celui de son compère, va se déliter progressivement. Un vrai duo de cinéma, auquel on peut ajouter Lubna Azabal : l’actrice belge délivre une prestation impeccable, en star qui se demande bien comment elle a pu accepter ce rôle caricatural de soap opera au milieu d’un conflit meurtrier. Car bien entendu, le réalisateur Sameh Zoabi, également coscénariste, n’occulte pas les tensions régionales. Par petites touches, il évoque l’antisémitisme, le terrorisme, la guerre de 1948 ou l’illusion des accords d’Oslo. Mais la façon dont il le fait, sans prendre parti, en renvoyant dos à dos les protagonistes pour se concentrer sur sa comédie, n’a rien d’un refus de trancher. Elle est au contraire un vibrant plaidoyer pour une solution, en montrant que même à proximité de la ligne verte, le rire est possible. Et qu’est-ce qui rapproche plus que le rire ?
Certes, « Tel Aviv on Fire » adopte peut-être trop le modèle du feuilleton dont il conte l’histoire, en proposant un style de réalisation plus utilitaire qu’artistique. L’insertion de dialogues suggérés par d’autres à Salam donne aussi lieu à un comique de répétition trop appuyé vers le milieu. Il n’empêche que le film reste une comédie amusante et intelligente au beau milieu du conflit israélo-palestinien, et ce n’est pas rien. Les zygomatiques comme médiateurs, qui dit mieux ?
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L’évaluation du woxx : XX