Économie : Inégalités partout, justice nulle part

Les inégalités de richesse augmentent à un rythme jamais atteint depuis 1945, alerte Oxfam dans une étude publiée le 16 janvier. Le phénomène est mondial et touche également le Luxembourg.

Leur fortune ne connaît pas la crise : les 1 % les plus nantis de la planète ont accaparé 63 % des richesses produites depuis trois ans, soit 26.000 milliards de dollars sur 42.000, selon « La loi du plus riche », un rapport publié par Oxfam ce 16 janvier. Comme à son habitude, l’ONG multiplie exemples et chiffres chocs, à même de marquer les esprits : la fortune des milliardaires augmente de 2,7 milliards chaque jour ; pendant qu’Elon Musk ne paie que 3 % d’impôt, une vendeuse en Ouganda est prélevée à 40 % ; 10 % de la population mondiale souffre de faim. L’ONG cite la Banque mondiale, qui constate qu’inégalités et pauvreté enregistrent leur plus forte hausse depuis 1945. Pour la première fois depuis 25 ans, l’extrême richesse et l’extrême pauvreté augmentent simultanément, dit l’institution de Washington.

Plusieurs enseignements sont à tirer de l’étude d’Oxfam, parue le jour où s’ouvrait le Forum économique mondial à Davos, raout annuel de l’élite mondiale, auquel participe Xavier Bettel. Premier enseignement : alors qu’au cours des dix dernières années, les ultrariches avaient déjà accaparé un peu plus de la moitié des richesses produites, le rythme s’est accéléré depuis 2020. Second enseignement découlant du premier : les grandes fortunes prospèrent lors des crises, dont le fardeau le plus lourd est porté par les plus pauvres. Pendant la pandémie, une bonne partie des colossaux fonds publics injectés dans l’économie par les États a fini par tomber dans les poches des 1 % les plus riches, qui l’ont utilisée pour valoriser leurs entreprises. Seconde aubaine, la crise énergétique et l’inflation : « Les gains ont été particulièrement importants dans les secteurs alimentaire et énergétique. » Oxfam cite, entre autres, la famille américaine Walton (Walmart) qui s’est engraissée de 8,5 milliards de dollars de dividendes en 2022.

Le Luxembourg, victime et complice

Petite piqûre de rappel : le Luxembourg n’est pas une île et, malgré sa prospérité, il suit une courbe identique au reste du monde. Les inégalités y augmentent, la pauvreté aussi. Improof ne s’y trompe d’ailleurs pas. Ce think tank a été lancé par la Chambre des salariés (CSL) le 12 janvier afin de contribuer à « une économie durable et juste ». Les premiers textes de la plateforme portent sur les inégalités et la redistribution des richesses au Luxembourg. Les chiffres sont, là aussi, parlants : depuis le milieu des années 1980, les 10 % les mieux rémunérés de la population luxembourgeoise ont vu leur revenu grimper de 77 %, alors que celui des 50 % les moins bien rémunérés n’a crû que de 39 %, soit deux fois moins. Sur un autre plan, 10 % des plus riches détiennent 50 % du patrimoine alors que les 40 % les plus pauvres n’en possèdent que 4 %.

Au bas de l’échelle, 19,2 % de la population vivait en dessous du seuil de risque de pauvreté en 2021, contre 13,5 % en 2011, faisant du grand-duché l’un des pays où cet indicateur a le plus augmenté. Il est à mettre en perspective avec la progression de 32 % des richesses produites depuis dix ans. Dans le pays de l’abondance, ces données apportent un fervent démenti à la fable du ruissellement, selon laquelle la concentration de la richesse aux mains des plus fortuné-es bénéficierait à l’ensemble de la société.

L’une des pistes avancées par Improof pour sortir de l’ornière passe par une imposition plus élevée du capital et un impôt sur le patrimoine. Être plus taxé-es, c’est aussi ce que demandent des millionnaires dans une lettre ouverte publiée à l’occasion du forum de Davos. Les signataires insistent sur l’injustice et la menace pour la démocratie que constituent ces inégalités et dénoncent la coupable complicité des responsables politiques dans cette situation.

Oxfam propose également de faire payer aux riches leur juste part dans l’effort commun : « Un impôt annuel allant jusqu’à 5 % sur la fortune des multimillionnaires et des milliardaires pourrait rapporter 1.700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté. » Dans son étude, l’ONG rappelle l’appétence des milliardaires pour les paradis fiscaux, instrument indispensable et consentant de ce gigantesque hold-up. Oxfam en cite trois : le Luxembourg, les îles Vierges britanniques et le Panama. Le grand-duché abrite les fortunes « de 279 des 2.000 personnes les plus riches de la planète », avance l’étude. Une contribution non négligeable de l’industrie fiscale nationale aux malheurs du monde.


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.