Europe et libre-échange : La véritable impasse

Le CETA sera amélioré ou ne sera pas… Dans les deux cas, les critiques du libre-échange auront peu de raisons de crier victoire.

À quoi servent les traités ? Manif du 8 octobre. (Photo : Raymond Klein)

À quoi servent les traités ? Manif du 8 octobre. (Photo : Raymond Klein)

Le débat autour du CETA et du TTIP a soulevé la bonne question, mais apporté les mauvaises réponses. Et cela quel que soit le sort réservé au CETA à l’issue de la contestation wallonne, du vote au Parlement européen ou encore de la ratification par les États membres. Si le traité finit par être bloqué, tant mieux, mais cela ne changera rien à l’essentiel.

Il est bien plus probable qu’il sera adopté, tôt ou tard, sous une forme ou une autre – et ce sera mauvais. Soyons clair, ce n’est pas telle modification réaffirmant le principe de précaution ou telle autre favorisant l’impartialité des juges du tribunal d’arbitrage qui réconcilieront ce traité avec ses détracteurs. Bien au contraire, chaque concession confirmera que les discours européens antérieurs, qualifiant le CETA de « meilleur deal possible », n’étaient que poudre aux yeux. De tout cela, il restera l’image d’une Union européenne s’efforçant d’imposer aux opinions publiques le « meilleur deal possible »… pour les multinationales.

Intégrer le principe de précaution – une promesse dix fois rompue -, on sait que ça n’apporterait pas grand-chose, depuis que le « VW-gate » a illustré à quel point on pouvait berner des élites bruxelloises complaisantes. Quant au tribunal d’arbitrage, même en disposant des juges les plus neutres qui soient, il ne pourrait statuer que dans la logique du traité, qui est celle d’une prépondérance de la liberté du commerce sur les choix politiques.

Le CETA ne pose rien de moins que la question de l’agencement entre économie et politique. Clairement, un accord de libre-échange de deuxième génération – régulant les normes et les investissements – entre pays indépendants fait la part belle à la première. Il n’y a qu’à regarder l’Union européenne, sorte de zone de libre-échange munie d’institutions politiques – pour comprendre à quel point les forces du marché peuvent entraver les choix démocratiques.

S’opposer au CETA et au TTIP, c’est aussi se battre pour une autre Europe.

Vous êtes contre les toxines, contre le nucléaire, contre le dumping social ? La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), interprétant les textes européens, limite votre marge de manœuvre politique – de nombreux arrêtés l’illustrent. En ce sens, les anti-CETA ont tort de présenter l’Union européenne comme un modèle. Mais ils ont raison de redouter plus encore des traités de libre-échange dépourvus de mécanismes correcteurs politiques.

(Photo : Wikimedia / M0tty / CC BY-SA 4.0)

(Photo : Wikimedia / M0tty / CC BY-SA 4.0)

La différence est importante. Ainsi, quand la CJUE a donné une interprétation libérale de la directive sur le détachement des travailleurs, cela a conduit à un débat politique. Résultat, on s’achemine vers une réforme de la directive. Un tel processus n’est guère envisageable dans le cadre du CETA ou du TTIP. S’opposer à ces traités, revendiquer un autre modèle de commerce international, comme l’ont fait les anti-CETA, c’est aussi se battre pour une autre Europe.

En ce sens, bloquer le CETA ne peut pas être une fin en soi. Qu’un parlement régional puisse mettre son veto apparaît comme délicat sur le plan institutionnel. Et le non d’un État membre ne serait toujours pas une véritable victoire pour les critiques du libre-échange, car il ne changerait rien à l’orientation de l’Union. Même un rejet par le Parlement européen – hypothèse peu probable – ne pourrait être que le premier pas d’une refondation de l’Europe. Mais de toute façon, les vraies refondations se font par le bas, non ?


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