Financement : les ONG sous pression

Dans un rapport publié lundi, la Cour des comptes européenne déplore la « trop grande opacité » des fonds européens accordés aux ONG. Un document qui pourrait relancer la controverse autour du financement des associations de défense de l’environnement.

Les ONG ne présentent pas de risque plus élevé pour le budget que d’autres bénéficiaires, affirme l’insititution. (Photo : Euseon/Wiki Commons)

Entre 2021 et 2023, l’Union européenne (UE) a accordé plus de sept milliards d’euros à quelque 12.000 organisations non gouvernementales (ONG) – 4,8 milliards par la Commission européenne (CE) et 2,6 milliards par les États membres. Ces financements sont octroyés dans le cadre des principales politiques internes de l’UE, notamment les politiques de cohésion, de recherche, de migration et d’environnement.

Mais pour la Cour des comptes européenne (CCE), basée à Luxembourg, même « s’il y a du mieux » par rapport au précédent audit, datant de 2018, les informations concernant ces financements restent « fragmentées et peu fiables ». « La Commission européenne collecte certes davantage d’informations sur les financements accordés par l’UE à des ONG, mais leur divulgation n’est toujours pas optimale. En outre, les États membres n’assurent pas de suivi et ne rendent pas compte de ces financements (…) », écrit-elle. Si les activités de lobbying et de sensibilisation ne sont pas interdites, la Cour estime en effet qu’elles ne « sont pas clairement affichées » comme telles et déplore l’absence « d’une vue d’ensemble fiable des dépenses européennes en faveur d’ONG ». Elle pointe également « l’absence de vérification active des valeurs européennes » et regrette que la CE ne vérifie pas en particulier certains aspects « cruciaux » du statut des ONG, dont la définition varie d’un pays à l’autre. Se basant uniquement sur des déclarations faites sur l’honneur, la CE ne s’assure pas suffisamment, selon la CCE, de l’indépendance des ONG vis-à-vis des pouvoirs publics ou de potentiels intérêts commerciaux. Un manque de transparence qui risquerait « d’entacher la réputation de l’UE ».

Deux poids, deux mesures

Nul doute que ce rapport, réalisé suite à « l’invitation par le Parlement européen à renforcer la transparence des financements octroyés par l’UE », va donner du grain à moudre aux eurodéputé·es de droite et d’extrême droite. Depuis le début de l’année, iels crient au « scandale vert » et appellent à l’arrêt des financements des ONG, accusant la CE d’avoir financé un « lobby vert » et d’avoir « engraissé pendant des années des activistes proenvironnement avec l’argent des contribuables » (Alter Echos). « Il n’est pas acceptable que la Commission européenne paye des ONG pour influencer des députés vers des politiques écologistes de gauche qui vont à l’encontre de l’agriculture et de l’économie », lançait Angelika Winzig (PPE, droite), le 23 janvier à Strasbourg, citée par Mediapart. Plusieurs de ces député·es remettent en effet en question le programme LIFE, un fonds budgétaire de 5,4 milliards d’euros alloués sur la période 2021-2027 à des projets dans les domaines de l’environnement et du climat, qui comporterait des « zones d’ombre ». Dans son rapport, la cour dit avoir trouvé deux cas dans lesquels les subventions du programme LIFE ont servi à financer des « activités de sensibilisation auprès de décideurs politiques ».

Les socialistes, qui ne s’opposent pas à davantage de transparence, voient cependant dans ces attaques une volonté d’affaiblir les ONG et la société civile œuvrant en faveur de l’environnement, ainsi qu’une campagne participant aux nombreuses tentatives de détricotage du Pacte vert, pour laquelle la droite et l’extrême droite n’hésitent plus à faire alliance. Le mouvement citoyen WeMove Europe, engagé en faveur de la justice sociale et économique et du développement durable, dénonce également une volonté de réduire au silence les voix des défenseur·euses de l’environnement. Dans une pétition mise en place pour stopper tout projet de réduction du programme LIFE, il n’hésite pas à pointer les 1,3 milliard d’euros dépensés chaque année par les multinationales, telles que Shell, Exxon ou Bayer, pour leur lobbying à Bruxelles.

Dans une déclaration adressée à la CCE suite au rapport publié lundi, et mentionnée par l’agence de presse autrichienne (APA), la CE a indiqué que « les ONG ne se distinguent pas des autres demandeurs » lorsqu’il s’agit d’obtenir des fonds européens et que le statut d’ONG ne présente pas de risque plus élevé pour le budget que d’autres bénéficiaires. Si l’exigence d’une plus grande transparence dans l’attribution des fonds européens est absolument nécessaire, elle doit cependant s’appliquer à tous, y compris « aux lobbys industriels et agricoles », comme l’a déclaré l’eurodéputée Lena Schilling (Verts).


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