Le Fonds de compensation (FDC) s’est de nouveau trouvé sous le feu des projecteurs cette semaine, avec un procès intenté par Greenpeace contre le ministre responsable et Déi Lénk qui ne se sont pas privés de remuer le couteau dans la plaie.
Non, cette fois ce ne sont pas des fabricants de bombes à sous-munitions qui se baladent dans le portfolio du FDC, comme cela avait été le cas en 2010. Mais des énergies fossiles à gogo, des fabricants de pesticides et des pollueurs grand format. C’est pourquoi Greenpeace, dans le cadre de la Semaine pour le climat et du Sommet de la jeunesse pour le climat, avait posé trois questions au ministre Romain Schneider – qui a la Sécurité sociale, donc le FDC, dans son portefeuille. L’une concernait les énergies fossiles, l’autre demandait comment le FDC se conformait aux accords de Paris, et finalement l’ONG voulait savoir ce qu’il en était des risques liés au climat dans le portfolio de la Sicav gérée par le FDC – lequel dispose tout de même de 19 milliards d’euros. De l’argent public qui sert à assurer les retraites des citoyen-ne-s.
Face à la non-réponse, Greenpeace s’est vu forcée d’introduire un recours devant le tribunal administratif : « Le ministre n’a pas donné de réponse ni demandé un délai comme le prévoit la loi », explique Myrna Koster, la consultante juridique de l’ONG au woxx. Et d’ajouter : « Nous n’avions donc pas le choix. Jusqu’ici, les ministères s’en sont toujours tenus au texte de la loi de 2005 (la loi dite « Lex Greenpeace » qui garantit l’accès du public à l’information en matière d’environnement, ndlr), mais suivant les conseils de nos avocats nous nous en sommes remis à la justice. »
Lex Greenpeace inconnue du ministre Schneider ?
Concernant la prise de position rapide de Romain Schneider face aux accusations de l’ONG, Myrna Koster constate que le ministre ne répond qu’à une seule des questions posées et qu’il élude l’accord de Paris et les risques climatologiques. « Il a raison de rappeler que le FDC est transparent. Si on se donne les moyens d’éplucher ce rapport de plus de 400 pages et de noter toutes les firmes suspectes, on peut en faire des déductions. »
Ce dont ne se sont pas privés Déi Lénk, pour qui le FDC est une bête noire depuis sa création dans les années 2000. Lors d’une conférence de presse cette semaine, le député Marc Baum a présenté les résultats des recherches effectuées par son équipe. Les résultats parlent d’eux-mêmes : 545 millions d’euros sont investis dans les énergies fossiles, contre seulement 21 millions dans les énergies renouvelables. « Et encore, ce calcul ne prend pas en compte les industries mixtes qui ont des branches fossiles, l’automobile ou encore la finance qui compte les plus gros pollueurs parmi sa clientèle », a précisé le parlementaire. Lequel en a profité pour mettre en pièces la défense de Romain Schneider, qui avait aussi fait référence à la liste d’exclusions et au label écologique et socialement responsable introduit en 2017 : « Cette liste est une blague, avec seulement 54 firmes. » En ce qui concerne les investissements écologiquement et socialement responsables, les recherches de Déi Lénk ont montré que seulement 1,7 pour cent des investissements du FDC se concentrent sur ce compartiment. De même pour le logement : la FDC investit bien 8,5 pour cent dans celui-ci, mais 5 pour cent vont dans des fonds immobiliers à l’étranger, et le reste est investi dans du haut standing comme le Royal-Hamilius. « Seul un projet de 28 millions d’euros pour des logements sociaux à Wasserbillig a été financé par le FDC », relève Baum. « C’est de l’hypocrisie à l’état pur ! »
Outre le fait que le FDC investit dans des firmes qui détruisent la planète, cette affaire sera donc aussi un moyen de tester comment le tribunal administratif pondère la Lex Greenpeace, la première à garantir un accès aux informations, bien avant la loi sur la transparence administrative de l’année dernière.