Ce lundi 5 mars, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a effectué une visite en terrain quasi inconnu : l’annexe du lycée technique du Centre (LTC) au Kirchberg, spécialisé en primo-accueil.
Il faut connaître le terrain pour trouver l’annexe du LTC au Kirchberg. Entre la Coque et les grandes façades de banques et de boîtes d’audit, derrière les bâtiments de l’université du Luxembourg, un petit signe indique le sigle du LTC. En suivant sa direction, on arrive vers un alignement de quatre conteneurs qui contiennent les salles de classe, les bureaux de la direction et une cantine.
« Certains des conteneurs ont dépassé la trentaine déjà », explique une des enseignantes spécialisées dans le travail avec ces jeunes qui arrivent de tous les continents et de toutes les cultures et qu’il faut essayer de faire rentrer dans le système scolaire luxembourgeois. Que leurs élèves soient caché-e-s dans ces vieilles baraques n’est pas vraiment enthousiasmant pour le personnel enseignant. Surtout que même ce provisoire qui dure depuis tant d’années est menacé : « En théorie trois des containeurs devraient disparaître avant la reprise en septembre », explique l’attachée de la direction Denise Hermes, « mais jusqu’ici, on ne nous a pas communiqué où on va être relogés. » Ainsi, les conteneurs doivent faire place à un transformateur pour le tramway qui les longe à l’horizon, apportant à intervalles réguliers un peu de couleurs dans la grisaille.
L’emplacement tellement anonyme a aussi eu une petite incidence sur le timing de la visite ministérielle, le chauffeur de Jean Asselborn ayant aussi des problèmes à trouver cette annexe. Après un bref échange avec le personnel enseignant et la direction, le ministre des Affaires étrangères a visité deux classes de primo-arrivant-e-s. Les jeunes entre 13 et 18 ans ont des horizons très divers (dans une des classes, par exemple, les origines allaient du Portugal à l’Érythrée en passant par la Syrie, l’Irak ou encore la Chine et le Kosovo), mais tous s’expriment de façon compréhensible en français, sinon en anglais.
Les élèves se présentaient au ministre en mentionnant leur nom et leur ville d’origine, tandis que Jean Asselborn cherchait à comprendre comment il est possible d’enseigner à des personnes aux profils et aux provenances si disparates. La visite d’une deuxième classe lui a certainement donné des éléments de réponse. Le problème étant qu’après une année passée en classe d’accueil, certain-e-s élèves ne sont pas prêt-e-s pour directement changer dans les classes d’intégration, alors le personnel du LTC a mis au point des classes hybrides où on leur enseigne de façon individuelle sur des iPads, tout en travaillant à un projet sur un thème commun.
La suite révéla qu’Asselborn n’est pas vraiment un pédagogue : en tout cas, il est difficile de prédire combien d’élèves ont vraiment compris sa conférence magistrale effectuée après ses visites des salles de classe. Parler géopolitique à des enfants dont plusieurs savent sûrement beaucoup plus sur le passage de la Méditerranée que lui-même aurait peut-être nécessité un peu plus de sensibilité. Mais en fin de compte, ce qui vaut pour les élèves vaut peut-être pour le ministre aussi : il n’est jamais trop tard pour apprendre. Et déjà son déplacement est un signe pour les personnes qui y passent leur quotidien. « Je crois que le désintérêt vient aussi du fait que nous enseignons à une population qui ne va pas se transformer en électorat de sitôt », lâchait un membre du personnel enseignant, entre désillusion et ironie.