La pianiste de jazz belge Eve Beuvens sera ce dimanche à Neimënster pour célébrer la Journée internationale des droits des femmes et la musique.

Eve Beuvens est emblématique de la nouvelle génération de musicien-ne-s de jazz de la scène belge. (© Philippe Lambert)
Les femmes dans le jazz, c’est aussi tout un cliché. Bien sûr, il y a les grandes divas comme Billie Holiday, Ella Fitzgerald, Nina Simone ou encore Nora Jones, qui ont fait leur un domaine sous domination masculine. Mais elles se sont presque toutes définies par leur chant, alors que les femmes instrumentistes, compositrices et arrangeuses sont beaucoup plus rares dans la profession. À l’exception notable de l’inclassable et génialissime Carla Bley, voire d’Alice Coltrane, peu sont connues du grand public – sauf Eve Beuvens.
Née en 1978, la jeune musicienne est – selon les biographies en ligne – directement attirée par le jazz. À l’âge de 13 ans, son idée fixe est d’apprendre la contrebasse, mais elle est orientée vers le piano, apparemment parce que ce serait moins épuisant physiquement. Elle entre alors en cours chez une autre pianiste de jazz belge, Nathalie Loriers, qui, venant de la musique classique, avait déjà entamé une approche féminine du jazz à partir des années 1990.
Après s’être aussi formée en philosophie, discipline pour laquelle elle détient une licence, Eve Beuvens s’inscrit au conservatoire de Bruxelles et suit les cours de Diederick Wissels, John Ruocco ou encore Kris Defoort. Elle obtient son diplôme en 2005 et sort son premier disque, « Nordzee », en 2009 sur le label Igloo. Ce qui n’est pas anodin pour plusieurs raisons : Igloo a été créé l’année même de la naissance de Beuvens et témoigne de l’effervescence des milieux culturels belges de la fin des années 1970. D’abord spécialisé dans des produits de marge comme les musiques improvisées ou la poésie sonore, le label va accueillir au fil du temps des musicien-ne-s jazz de grande carrure comme Chet Baker, Philip Catherine ou Charles Loos. L’ambition d’Igloo a toujours été d’être une plateforme de jeunes talents. Et c’est ainsi que le label a été celui qui a aussi lancé la carrière de Nathalie Loriers, puis Eve Beuvens. D’ailleurs, le jazzman luxembourgeois Pascal Schumacher a aussi fait ses premiers pas discographiques chez Igloo.
Après un accueil critique très favorable à son premier disque, Eve Beuvens se lance sur les routes avec son quartet et remporte des succès dans des festivals de jazz en Norvège et en Allemagne. Toujours à la recherche de nouveaux défis qui lui permettent de développer son style, elle multiplie les collaborations et les projets. Elle officie ainsi au Cezariusz Gadzina Quartet, à l’Alex Beaurain Quintet ou encore avec la formation Sidewinders.
En 2013, elle se réinvente en formant son septet, appelé Heptatomic, suite à une carte blanche donnée par le fameux Gaume Jazz Festival. Deux ans plus tard, le groupe conçu par Beuvens pour jouer des compositions taillées sur mesure pour ses membres sort son premier disque et entame des tournées avec succès en Belgique et en France.
C’est d’ailleurs ce même festival dans la Gaume – où elle anime aussi des cours d’été − qui est à l’origine de la performance qu’Eve Beuvens va donner à l’abbaye de Neumünster. Artiste devenue régulière sur les scènes du festival qui a lieu à Rossignol-Tintigny au Luxembourg belge, elle se voit passer une commande par la direction en 2018 pour un programme solo. N’ayant jamais composé pour elle seule, Beuvens s’est inspirée des grands disques de piano jazz en solo qui l’ont influencée depuis toujours, comme ceux de Thelonious Monk, Keith Jarrett ou Masabumi Kikuchi. En est sorti un programme personnel, vivant et coloré – qui ne rechigne pas aux clins d’œil jetés çà et là.
Bref, il faudra certes braver la pandémie, mais un passage à Neimënster sera la garantie de belles retrouvailles avec la musique en live.