L’extension du domaine de la lutte – en matière médiatique – est en marche : ce lundi matin, Christoph Bumb et Laurence Bervard, ex-journalistes du Wort, ont présenté leur bébé « reporter.lu » et donné quelques noms de futurs collaborateurs.
« Les médias luxembourgeois sont dans une phase de rupture sans précédent. Le modèle de business de la presse écrite subventionnée est mis en question. Ce qui a aussi un impact sur la façon de consommer du public : il s’attend à plus d’informations, gratuites et mieux recherchées. S’y ajoute la question de l’indépendance des médias : l’influence de la politique sur différentes composantes de la presse est devenue plus importante ces derniers temps – et je ne parle pas uniquement du Luxemburger Wort », expliquait Christoph Bumb lors de la conférence de presse qui a eu lieu dans l’ambiance cosy et hype de la Bouneweeger Stuff – par un soleil radieux.
L’indépendance est un atout pour Bumb : 100 pour cent des parts appartiennent aux fondateurs (Bumb et Bervard). Reporter.lu se veut un média citoyen : « Il n’y a pas de fonds cachés, pas de parti ou de syndicat derrière », soutient le fondateur, qui n’exclut pourtant pas de demander l’aide à la presse en ligne, promue par un règlement ministériel issue du bureau de Xavier Bettel. Même si selon les fondateurs, leur modèle de fonctionnement n’est pas axé sur l’obtention de cette aide : « Elle n’est qu’un régime transitoire et donc nous ne la visons pas depuis le début. Mais si nous réussissons à remplir les conditions pour l’obtenir, nous le ferons bien sûr ».
Mais pour décoller, « reporter.lu » se basera sur une campagne de crowdfunding qui débutera le 15 novembre 2017 et durera cinq semaines (la plateforme choisie est Kickstarter – car les solutions de crowdfunding strictement luxembourgeoises ne sont pas une option pour un projet de cette envergure, somme toute modeste). « Reporter.lu existera seulement si les gens le veulent », précise Christoph Bumb. L’objectif est de trouver mille donateurs qui mettront 150 euros dans le projet : 150.000 euros, c’est le minimum vivable pour un an d’existence du nouveau média. Précision : il s’agit d’un « reward based crowdfunding », ce qui veut dire qu’acheter une part ne donne aucune emprise sur l’opérationnel de reporter.lu, ni sur son orientation politique.
Deux nouvelles collaboratrices
Question contenu, c’est Laurence Bervard qui s’y colle : « Ce seront des thèmes nationaux touchant aux domaines politique, société, économie et culture. Nous ne ferons pas de journalisme quotidien, mais resterons complémentaires à celui-ci et nous nous réservons le droit de lancer nos propres thèmes. Le consommateur est aujourd’hui écrasé par la masse d’informations, et ne sait souvent où tourner la tête. C’est pourquoi nous voulons mettre en avant d’autres aspects – avec plus de distance. » L’objectif fixé est un article recherché par jour (des brèves et des mises à jour ne sont pas exclues). Pour « reporter.lu », l’important est dans le contexte livré au lecteur pour qu’il soit capable de se former sa propre opinion. Ils basent leur modèle sur plusieurs success stories à l’étranger : Mediapart en France, de Correspondent aux Pays-Bas et Republik en Suisse. Des formats qui se proposent aussi de dépasser le lecteur passif, en l’impliquant directement dans la création des contenus en ligne. Cela peut passer par une expertise partagée, des suggestions de sujets ou des commentaires.
En outre, « reporter.lu » aura un « paywall dur » : les articles ne seront accessibles qu’aux abonnés. La question de savoir si le prix de l’abonnement baissera après la période de crowdfunding n’est pas encore résolue, selon Bumb.
La grande annonce a pourtant été la révélation de deux autres journalistes qui viennent étoffer les rangs de « reporter.lu » (dans un premier temps en tant que freelance): Kyra Fischbach (ancienne coordinatrice du magazine forum et collaboratrice freelance à la radio 100,7) ainsi que – pas une grande surprise – l’ancienne rédactrice culturelle du Luxemburger Wort Marie-Laure Rolland, qui vient juste de quitter les arcanes de Saint-Paul sur un arrière-fond de différends sur la nouvelle ligne éditoriale. Elle sera aussi une des premières correspondantes du site à écrire en français et se consacrera avant tout à la scène culturelle et aux thèmes liés à l’intégration. Tandis que Kyra Fischbach se concentrera sur l’écologie et le social.
Pour le moment, « reporter.lu » ne s’est pas encore donné une ligne éditoriale, mais selon Christoph Bumb, le site serait bien sûr à la recherche d’une « objectivité absolue ».