La tête au Carré explosée

Dernièrement, l’artiste luxembourgeoise Deborah De Robertis s’est dénudée à Lourdes. Rien de bien nouveau, sauf que cette fois le journaliste du Wort Gaston Carré a exposé sa bigoterie et sa misogynie dans un billet. Qui appelle un contre-billet.

(© Deborah De Robertis Officiel)

On peut penser de l’art de Deborah De Robertis ce qu’on veut – mais il ne laisse pas indifférent. Que ce soit devant « L’origine du monde », la Mona Lisa ou maintenant dans la grotte de Lourdes, l’artiste utilise son corps pour provoquer et pour pousser à la réflexion.

Bref, De Robertis est une de ces artistes qui cherchent une formule, et quand elle marche, elle est répétée à l’infini. Cristo enveloppe tout, De Robertis (se) dévoile (un peu) partout. C’est l’œuvre comme image de marque et moins comme expression d’un contenu ou comme résultat d’une recherche ardue. C’est critiquable, mais tant qu’on parle d’elle, son plan fonctionne. La mauvaise pub étant de la pub quand même.

De ce point de vue, Gaston Carré lui a fait un beau cadeau. Le journaliste, romancier et penseur s’est laissé aller à ses plus bas instincts. Ainsi, comparer les performances de De Robertis à celles d’une « hardeuse », donc actrice porno est totalement à côté de la plaque. De Robertis utilise son corps pour se réapproprier le temps d’une performance le corps féminin – trop longtemps aux mains des hommes et considéré comme une propriété. Comme le dit l’artiste dans son statement : « Il en est de même pour les femmes dans l’art et dans la société en général. Elles ne sont jamais reconnues immédiatement et pour la plupart elles sont exclues de l’Histoire. Il est temps ! La figure de Marie à Lourdes, est au fond aussi exploitée que le visage de la Joconde au Louvre. À Lourdes la Vierge est adulée mais aussi utilisée comme la ‘poule aux œufs d’or’. C’est elle qui est le pilier économique de la cité mariale. »

Donc, réduire le geste de De Robertis à celui d’une actrice du X en dit plus long sur l’auteur que sur l’artiste. Mais il y a pire : « Il est clair que la jeune femme est dérangée, et sauf à considérer l’hystérie comme une forme d’art la question se pose de savoir comment elle peut réitérer ses provocations sans être inquiétée, susciter la réprobation sans être durablement écartée », écrit Carré. Ce faisant, il renoue avec une vieille tradition misogyne : celle de vouloir déclarer hystériques les femmes qui dérangent. Préconise-t-il, à l’image du docteur américain Walter Freeman, de faire lobotomiser l’artiste pour qu’elle se libère enfin de sa surcharge émotionnelle et qu’elle se range du côté de la normalité ? La réponse doit trottiner dans la tête – espérons-le – non lobotomisée de l’auteur.

Certes, Carré ne frappe pas à côté quand il dit que De Robertis « campe au croisement de (…) deux interdits », le féminisme et l’art contemporain. Mais pourquoi s’en plaint-il ? C’est un stratagème artistique qui fonctionne à merveille et provoque réflexion chez les un-e-s et frustrations chez les autres. Et Carré est la meilleure illustration de ces derniers.


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