L’Europe et les réfugiés : À la poubelle, le droit d’asile !

L’accord qui se dessine entre l’Union européenne et la Turquie sonnerait le glas du droit d’asile individuel et de toutes ces valeurs dont l’Europe se revendique.

(Photo : Julia Druelle)

(Photo : Julia Druelle)

Au moins, ça a le mérite d’être clair : l’Europe n’est pas une terre d’asile. L’issue des discussions entre le Conseil européen et le premier ministre turc Ahmet Davutoğlu cette semaine ne laisse pas de doute. Persécutés, miséreux, victimes de guerres, restez chez vous. Ou ailleurs : au Liban, en Jordanie, en Turquie… mais ne mettez pas, oh surtout pas, les pieds en Europe. Car celle-ci est dépassée, pleine et elle a ses propres problèmes. On ne peut pas accueillir toute la misère du monde, après tout.

Peu importe le nombre hallucinant de réfugiés dans le monde, peu importe la situation en Syrie, en Afghanistan ou ailleurs, peu importe le calvaire de ceux et celles qui ont fait des milliers de kilomètres et dépensé des sommes astronomiques pour arriver aux portes de l’Europe. C’est là qu’ils vont rester.

Ceux qui sont bloqués à la frontière entre la Grèce et la Macédoine peuvent y crever, tous les autres n’ont qu’à rester en Turquie

Pour être sûr qu’ils resteront bien là, on est prêt à s’adonner à des marchandages avec l’autocrate Erdoğan et son régime semi-dictatorial. Le même régime qui, quelques jours avant le « deal », a piétiné une fois de plus la liberté de la presse. Le même régime qui repousse les réfugiés à ses frontières, qui, selon Amnesty International, fait vivre de nombreux réfugiés dans des conditions désespérées. Le même régime, enfin, qui s’en donne à cœur joie dans une guerre sale contre les Kurdes – oui, oui, ceux qui, quand ils sont de l’autre côté de la frontière syrienne, sont considérés comme des héros, puisqu’ils combattent Daech – depuis des mois.

Il suffit de déclarer la Turquie « pays sûr » pour qu’on puisse y repousser en bloc tous ces « migrants irréguliers » qui nous pourrissent la vie à nous autres, en mourant par milliers au large des côtes européennes. Ce qui est bien, c’est qu’on s’est bien gardé, dans le passé, d’ouvrir des voies légales vers l’Europe. Maintenant, on peut tous les appeler « irréguliers » et ça rend la tâche franchement plus facile. Vous avez dit droit d’asile individuel ?

Mais – attention ! – il ne faut pas nous traiter d’inhumains : pour chaque « irrégulier » ainsi repoussé, nous allons faire venir un réfugié syrien – tant pis pour les autres – en Europe. C’est vrai que nous avons déjà montré l’exemple avec un précédent « plan de relocalisation » : sur les 160.000 réfugiés qui devaient être relocalisés, seuls 884 l’ont été finalement. Avec un taux de réalisation de ses engagements de 5,4 pour cent, le Luxembourg est dans le camp des trois pays les plus efficaces, avec Malte (16 %) et la Finlande (6,7 %). Heureusement que la déclaration des chefs d’État du 8 mars « n‘établit aucun nouvel engagement pour les États membres en matière de relocalisation et de réinstallation » !

C’est qu’il ne faut pas faire dans la dentelle quand il s’agit de défendre notre continent, exemple rayonnant de démocratie et de respect des droits de l’homme dans le monde. C’est pourquoi nous allons envoyer les navires de l’Otan pour patrouiller en mer Égée, afin de repousser ces embarcations de fortune remplis d’enfants qui prennent d’assaut l’Europe. C’est aussi la raison pour laquelle il faut « rompre avec la politique du ‘laisser passer’ », comme l’ont constaté les chefs d’État. C’est fini, la « route des Balkans » : ceux qui sont bloqués à la frontière entre la Grèce et la Macédoine peuvent y crever, tous les autres n’ont qu’à rester en Turquie.

Alors, à la poubelle le droit d’asile individuel tel que défini par la convention de Genève, produit direct des atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale ! À la poubelle, la défense des droits de l’homme et à la poubelle, nos sacro-saintes « valeurs » !


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