Avec « Valérian et la cité des mille planètes », Luc Besson, à grand renfort d’euros, réalise un film emblématique de la culture de l’entertainment actuelle, où le contenant prime le contenu et les effets visuels, la solidité du scénario.
Écrire sur un film est difficile et subjectif, surtout lorsqu’il est aussi attendu que le dernier Luc Besson. Le gourou du cinéma populaire à gros budget aurait contacté les auteurs français de la bande dessinée originelle en promettant de leur rendre l’hommage qui leur était dû, les Américains les ayant déjà copiés de nombreuses fois. Exemple emblématique : la série « Star Wars », qui semble s’inspirer de certaines planches de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, sans pour autant que George Lucas l’ait admis. Bref, si en plus les intentions initiales du cinéaste étaient aussi altruistes, comment ne pas chavirer pour les images 3D forcément maîtrisées techniquement ? Et pourquoi écrire sa déception, puisqu’une critique négative n’influencera sûrement pas les nombreux convaincus d’avance ?
Essayons pourtant, car ce long métrage représente le parangon du film de divertissement commercial actuel, qui semble avoir renoncé à toute incursion dans la critique sociale autre que consensuelle, pour surtout ne pas choquer : les formes de vie non humaines doivent être respectées, sinon, c’est du racisme, et le racisme, c’est pas bien. L’ouverture, puisant très ostensiblement son inspiration dans « Avatar » (tiens, il n’y a pas que les Américains qui copient), est on ne peut plus claire. La guerre non plus, c’est pas bien… sauf pour les agents secrets du pouvoir qui peuvent se permettre de s’échapper dans leur vaisseau en laissant massacrer les correspondants locaux venus leur prêter main-forte dans une dangereuse mission. Englué dans des plans tellement assaisonnés de détails et si rapides qu’ils en donnent le tournis et empêchent de réfléchir, le film n’a pas le temps d’étoffer un quelconque message.
S’il fallait choisir un défaut majeur à « Valérian et la cité des mille planètes », ce serait cependant celui d’un scénario squelettique. Tout se passe comme si, fasciné par les possibilités infinies offertes par la technologie numérique, Besson avait négligé d’aller au-delà du synopsis. Les personnages ne sont qu’esquissés, et ce n’est pas le jeu plat et quelquefois à la limite du ridicule du duo formé par Dane DeHaan et Cara Delevingne qui pourrait apporter une étincelle d’intérêt. Ah, les deux agents sont cool, très cool… Peut-être Besson a-t-il voulu répéter l’incroyable second degré qui suinte de la prestation de Jane Fonda dans « Barbarella », autre adaptation d’une bande dessinée de science-fiction ? Las, on ne fera pas l’injure à l’immense Jane de comparer son sex appeal à celui de Cara Delevingne, estompée d’ailleurs en une scène par la guest star Rihanna.
Bref, on l’aura compris : nous sommes là en présence d’un film impeccablement réalisé techniquement, qui manque pourtant cruellement de matière. N’empêche, tout porte à croire que les recettes seront au rendez-vous. Alors, encore une fois, pourquoi écrire sa déception ? Parce que le cinéma, c’est la vie sur écran, et que la vie ne se résume pas à des animations 3D léchées. Parce que le cinéma, ça sert aussi à faire réfléchir, même dans la science-fiction. Parce qu’il n’y a rien de honteux à se divertir, mais qu’on a tout de même le droit d’en vouloir un peu plus. Tiens, en lisant la bande dessinée « Valérian et Laureline » par exemple, pour se reposer les pupilles de l’orgie visuelle d’une adaptation décevante.
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L’évaluation du woxx : O