Macron et les prévisions : Chaud, le climat

Scruté attentivement quand il parle du climat, Emmanuel Macron a tenu à clarifier un « malentendu ». Ce faisant, il en a révélé d’autres, au cœur même des débats autour de la sensibilisation et de l’action climatique.

Mer de Glace, massif du Mont-Blanc. Elle recule d’une dizaine de mètres par an et en été n’a de mer plus que le nom. (Wikimedia; Gnomefilliere ; CC BY-SA 3.0)

« Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » La question rhétorique du chef d’État français lors de ses vœux de Nouvel An a fait des vagues. Emmanuel Macron a été accusé de ne pas avoir lu les rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, IPCC en anglais), voire de faire un déni climatique ou de produire des « fake news ». Habile politicien et grand communicateur, le président a choisi de ne pas en rester là. Le 17 janvier, dans une sorte de « monologue au coin du feu », il a expliqué le sens de sa petite phrase et répondu à d’autres questions autour de l’écologie. Il a pour cela choisi son canal YouTube, s’est filmé en grand-angle et a adopté un langage familier – une réussite pour ce qui est de la forme !

Côté contenu, le bilan est plus mitigé. Macron s’est défendu contre la « mauvaise foi » avec laquelle il a été épinglé et a précisé qu’il avait juste voulu dire que les effets du réchauffement, « ça a été encore plus vite que prévu ». Et en effet, sa phrase a souvent été mal citée, alors que, le 31 décembre, il se référait déjà aux effets : « Qui aurait pu prédire (…) la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? » En affirmant qu’il ne nie aucunement la crise climatique, Macron lève une ambiguïté… tout en en nourrissant une autre. Car non, ça n’est pas allé plus vite « que prévu » : les scénarios élaborés par la communauté scientifique ne font qu’indiquer des tendances et des valeurs moyennes. Un été particulièrement chaud comme celui de 2022 ne peut pas confirmer ni infirmer de telles « prévisions », mais tout au plus les illustrer.

Concédons que l’appréciation des prévisions, comme celle des effets spectaculaires, est chose compliquée, et pas seulement pour le président de la République. Les rapports du Giec sont souvent mal interprétés, soit parce qu’on n’en lit que les résumés – édulcorés pour et par la politique, soit parce qu’on les déforme et les instrumentalise, comme cela a été fait pour populariser l’objectif de 1,5 degré. Ainsi, partant de l’innocuité présumée d’un tel réchauffement, par rapport aux scénarios à 2 degrés, on a pu croire que les « effets spectaculaires » n’étaient pas pour tout de suite.

Le climat, c’est moi ! (www.youtube.com/watch?v=3iCoEWMsjkQ)

L’appréciation des prévisions est chose compliquée, et pas seulement pour le président de la République.

Au-delà de ces malentendus sur prévisions et effets, Macron a-t-il, comme il l’affirme, pris la mesure de la crise climatique ? On peut en douter, puisqu’il rattache ses initiatives politiques aux effets observés. C’est ignorer que la canicule de 2022 n’est qu’un signe avant-coureur de ce qui est à venir. De même, si la fonte des glaciers observable actuellement peut inquiéter, la politique climatique d’aujourd’hui ne devrait pourtant pas se référer à cela, mais au risque de la disparition d’une grande partie des glaciers à la fin du siècle. Que le président passe un quart d’heure intense de questions-réponses pour corriger l’impression qu’il a laissée montre tout de même qu’il a compris l’importance du sujet. Même si, pour la bête politique qu’il est, cette importance s’impose forcément à travers l’arithmétique électorale plutôt que la science climatique.

Que conclure des deux prises de parole d’Emmanuel Macron ? Qu’on l’aime ou pas, il n’est certainement pas dans une posture de déni climatique. Il croit même avoir relevé le défi climatique, s’affiche impressionné par les « effets spectaculaires » et affirme sa volonté d’en faire plus. Mais le président ne situe pas son action d’aujourd’hui dans le cadre de ce qui constitue l’essentiel des rapports du Giec, à savoir les trajectoires d’émissions et de température qui demain conduiront à des « effets » d’un tout autre ordre de grandeur. Sur ce plan-là, Macron, au sein du monde politique, ne fait pas figure de cancre… mais n’est pas non plus du côté des cracks.


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