L’énergie communicative de « Captain Fantastic » en fait un film choc, mais qui sait ménager des espaces d’humour et de réflexion.

Il faut s’entraîner dur pour survivre dans les bois…
Ben et Leslie Cash ont fait le choix de vivre coupés du monde avec leurs six enfants, en quasi-autarcie, dans une forêt du nord des États-Unis. Ils leur ont inculqué des valeurs radicales, qui vont du socialisme au plus pur survivalisme. Mais lorsque Leslie, bipolaire, se suicide loin des siens, dans une clinique où elle avait été admise à contrecœur à la demande de sa famille, la tribu décide de se rendre aux obsèques pour faire respecter son vœu d’être incinérée. C’est un voyage initiatique tant pour les plus petits, qui n’ont jamais été en contact avec la société, que pour Ben et les plus grands, qui voient leurs certitudes remises en question au contact de l’extérieur.
C’est peu dire qu’il a divisé : « Captain Fantastic » s’est attiré une volée de bois vert, mais a aussi fait grimper aux arbres des critiques enthousiastes. Rien d’étonnant à cela, puisque le film aborde un sujet qui braque en permanence, à savoir la possibilité de ne pas adhérer totalement à ce « mode de vie occidental » basé sur la déprédation des ressources planétaires. Qu’il montre un désir de renoncement de la part de son personnage principal, adepte de la vie dans les bois, et il sera taxé de ne pas aller jusqu’au bout de sa logique ; qu’il appuie au contraire trop la critique du confort matériel, et il sera accusé de cracher dans la soupe. Et puis le survivalisme forcené avec force couteaux et arcs de chasse est évidemment critiquable aussi.
Il n’était donc pas possible pour Matt Ross de contenter tout le monde sur un sujet aussi sensible. Mais pour aimer ce film, nul besoin, en fait, de longues interrogations philosophiques. Il suffit de se laisser porter par l’histoire et les personnages. L’arme fatale de « Captain Fantastic », c’est l’humour. Les six enfants des bois sont parfaitement éduqués et au fait des plus complexes concepts littéraires et scientifiques dès leur plus jeune âge. Eux et leur père provoquent des situations cocasses dès qu’ils se confrontent à des adultes prisonniers de schémas mentaux nécessaires à la vie en société, mais forcément réducteurs. Ou à des teenagers qui s’intéressent plus à grignoter et jouer à la console qu’à se cultiver.
À ce petit jeu, l’interprétation formidable de Viggo Mortensen et des jeunes acteurs qui incarnent ses enfants revêt une importance considérable. Car si le film avait été empreint de pathos et avait glosé sur la difficulté de choisir entre vivre dans ou en dehors de la société, le mélange n’aurait pas fonctionné. On aurait pu à raison s’interroger sur son message exact. Au contraire, même si la réflexion sur notre mode de vie reste présente, c’est d’abord l’énergie et le charisme de cette famille pas comme les autres qui crèvent l’écran. Comme dans cette scène inoubliable où les enfants se voient offrir des cadeaux utiles (arcs et flèches, couteaux neufs…) pour le… « Noam Chomsky Day ».
Au fond, « Captain Fantastic » est bien une histoire de super-héros, sur un père qui a fait des choix et qui ose les remettre en question pour le bien-être de ses enfants. Parce que survivre dans la nature excède tous les superpouvoirs montrés à coup d’effets spéciaux. Souvent drôle et parfois grave, le film ne prêche pas ouvertement la décroissance, mais met cartes sur table : reste-t-il encore une possibilité de vivre autrement sans pour autant se condamner à être ostracisé ? Aucune réponse toute faite n’est proposée, et tant mieux.
À l’Utopolis Kirchberg. Tous les horaires sur le site.
L’évaluation du woxx : XXX