Musique classique
 : Deux fois deux mains

Voilà plus de trente ans qu’elles ont conquis les mélomanes avec leur duo de pianos. Les sœurs Katia et Marielle Labèque font étape ce dimanche à Luxembourg, accompagnées par le Royal Concertgebouw Orchestra sous la direction de Semyon Bychkov.

Les Labèque,
une histoire de sœurs
et de pianos entrée dans la légende musicale. (Photo : Mila)

Tant a déjà été écrit sur la symbiose du jeu de Katia et Marielle Labèque, sur leur énergie et sur leur musicalité dans un vaste répertoire qui va du baroque au rock expérimental qu’on est en droit de se demander comment parler d’elles sans accumuler les clichés. En effet, depuis que les deux sœurs ont atteint la renommée internationale avec leur enregistrement de « Rhapsody in Blue » de George Gershwin, en 1980, elles occupent une place privilégiée dans le cœur des mélomanes avec un penchant pour le piano. Et elles n’ont eu de cesse, par de nombreux disques et concerts, mais aussi par la création d’une fondation à Rome où elles résident, d’explorer et de stimuler le répertoire musical pour deux pianos. Avec, à la clé, une couverture médiatique importante.

Mais les superlatifs souvent utilisés à propos des deux sœurs sont justifiés, et le programme concocté pour le concert de la Philharmonie ce dimanche est alléchant. Sur scène, le Royal Concertgebouw Orchestra accompagnera les deux solistes : un orchestre parmi les meilleurs du monde, dirigé pour la circonstance par le chef Semyon Bychkov, qui n’est autre que le mari de Marielle Labèque.

C’est une œuvre quelque peu insolite qui réunira toutes les stars de la soirée : le « Concerto pour deux pianos et orchestre » de Max Bruch, écrit en 1912 par le compositeur pour les sœurs américaines Rose et Ottilie Sutro, qui ne l’ont joué que deux fois. La partition autographe a été retrouvée lors d’une vente aux enchères en 1971, ce qui lui a donné une seconde vie. De Bruch, on connaît surtout le « Concerto pour violon no 1 » ; éminemment romantique lui aussi, le « Concerto pour deux pianos et orchestre » privilégie la communion entre les deux solistes plutôt que la virtuosité pure, même si certains passages sont évidemment redoutables. D’une introduction grandiose au contrepoint rappelant le grand Bach, on passe à des sautillements orchestraux frénétiques et à d’amples mélodies, avant de conclure par un retour à la majesté du mouvement initial. En une petite demi-heure, on est transporté dans un voyage émotionnel qui bouscule. Les Labèque ont déjà enregistré ce concerto en 1990, avec Bychkov et le Philharmonia Orchestra, dans une version qui fait référence : c’est dire si la soirée sera intéressante.

Mais bien entendu, un concert philharmonique ne serait pas complet sans, après la pause, une symphonie roborative. Ce sera assurément le cas ici, puisque l’orchestre jouera la « Symphonie no 5 en ré mineur » de Dmitri Chostakovitch. En pleine période de purges staliniennes, le compositeur russe a écrit cette partition aux forts accents autobiographiques en juste trois mois, comme une sorte de « mea culpa » (que beaucoup considèrent d’ailleurs comme parfaitement ironique) après des accusations de « formalisme petit-bourgeois ». C’est dire si, plus encore que dans le concerto de Max Bruch, la musique nous emporte dans un grand-huit d’émotions diverses et variées. Avec, pour conclure, ce finale tonitruant où les cuivres font résonner un thème triomphant sur l’immuable répétition de la même note aiguë par les violons. Oui, des émotions fortes, il y en aura vraiment à foison à la Philharmonie ce dimanche, qu’elles soient pianistiques ou orchestrales.

Ce dimanche 18 février à la Philharmonie.

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