Contrairement aux années précédentes, ce n’est pas une formation internationale en tournée qui vient ouvrir la nouvelle saison de la Philharmonie, mais bien l’orchestre maison, sous la baguette de son directeur musical Gustavo Gimeno.
Nous voilà donc mi-septembre, et les lumières se rallument enfin dans le grand auditorium du Kirchberg après la longue pause d’été. Cette saison, exception à la règle, c’est l’Orchestre philharmonique du Luxembourg qui sera sous les feux de la rampe pour le premier rendez-vous de la saison. Il sera dirigé par Gustavo Gimeno et accompagnera un habitué des lieux, le violoniste Leonidas Kavakos. Le programme ? Résolument russe, quoique, pour la première partie consacrée à Stravinsky, on mette à l’honneur un véritable citoyen du monde de la musique, lui qui a été successivement russe, français puis américain.
C’est la musique du ballet « Jeu de cartes », que Stravinsky a composée aux États-Unis en 1936, qui fera donc résonner les premières notes de la nouvelle saison musicale. Divisée en trois « donnes » plutôt que mouvements, l’œuvre est pleine d’une ironie servie par l’orchestration rutilante du maestro. Les différentes couleurs du jeu de cartes y valsent (avec un clin d’œil à la « Valse » de Ravel), combattent (autre clin d’œil, au « Barbiere di Siviglia » de Rossini cette fois) et triomphent – pour les cœurs, évidemment ! Une belle mise en bouche assez fluide et facile d’écoute, mais où les mélomanes sauront peut-être détecter d’autres emprunts à la sauce stravinskienne. Elle fera office de prélude au concerto pour violon de la soirée, du même compositeur, une partition néoclassique beaucoup plus exigeante. Celle-ci bénéficiera du talent de Leonidas Kavakos, soliste sans effets de manches et au sang-froid admirable. Très riche, le concerto tire parti de toutes les possibilités techniques du violon et lui donne tantôt un rôle de pulsation rythmique, tantôt une fonction de mélodiste lyrique. Une aubaine pour l’instrumentiste grec, qui pourra ainsi montrer toutes les facettes d’une virtuosité loin de l’ostentation.
Que dire de la symphonie qui sera proposée en seconde partie ? Composée en 1888, la Cinquième de Tchaïkovski est tout entière placée sous le signe du « fatum ». Cette « soumission totale devant le destin », ainsi que décrite par le compositeur lui-même, est symbolisée par le thème qui ouvre l’œuvre, grave et sombre. Il reviendra dans les quatre mouvements, à travers de nombreuses transformations rythmiques ou harmoniques. Ici, le romantisme est à son comble et la riche instrumentation propose toute la palette des sentiments, avec de larges mises en valeur de solistes au sein de l’orchestre – telle cette mélodie poignante que le cor conduit au début du deuxième mouvement, rejoint par le hautbois avant d’être suivi par tous les instruments. Plaisir garanti pour les romantiques, qui seront donc à l’honneur après l’entracte.
Pour celles et ceux qui ne pourraient pas se rendre à la Philharmonie le 14 septembre, rappelons également que l’OPL a inauguré récemment la formule des « lunch concerts ». Ces rendez-vous gratuits et sans réservation permettent d’assister à une répétition à l’heure du déjeuner. C’est en fait le 12 septembre que la saison débutera publiquement pour l’orchestre, puisque c’est à cette date qu’il proposera aux mélomanes de le rejoindre pour écouter cette Cinquième Symphonie si attendue. Avant de mettre le cap sur Cologne, où le programme sera repris le 16 septembre. Voilà de quoi démarrer 2018-2019 de manière symphonique, que ce soit en soirée ou pendant la pause de midi.