Musique de chambre : Catch Music Festival, deuxième !

Après une première édition couronnée de succès, le Catch Music Festival revient à Bonnevoie la semaine prochaine. L’occasion pour le woxx de faire le point avec les deux chevilles ouvrières de l’événement, Laurence Koch et Cathy Krier.

Le Catch Music Festival en 2022. De g. à d. : Laurence Koch, Isabelle Kruithof, Ralph Szigeti et Benjamin Kruithof. (Photo : Stephanie Schulze)

woxx : Au vu des objectifs que vous aviez partagés l’année dernière, quel bilan tirez-vous de l’édition 2022 ?

Laurence Koch : Nous sommes globalement très satisfaites. Concernant la mixité entre jeunes talents et artistes établi-es par exemple, tout s’est super bien passé.

Cathy Krier : Nous nous étions fixé aussi l’objectif de 50 entrées par concert, qui a été atteint. Ça nous a permis cette année d’étoffer la programmation. Il faut dire que la difficulté n’est pas vraiment de trouver des financements – il y a au Luxembourg de multiples possibilités –, mais le fait qu’ils arrivent assez tard. Comme on ne peut pas revenir en arrière une fois qu’on a engagé des artistes, nous avons été plutôt précautionneuses l’année dernière. Quand les ministères ou la commune voient que ça marche, on entre dans un cercle vertueux : la programmation peut se faire beaucoup plus en amont, avec plus d’ambition. Il y a eu de nombreux élans de générosité de sponsors privés et publics. Par exemple, le curé de la paroisse de Bonnevoie, Laurent Fackelstein, nous a carrément donné les clés de l’église, dont nous pouvons disposer à notre guise. La seule contrainte impossible à planifier, ce sont les enterrements…

Et pour ce qui concerne l’animation du quartier et le travail avec les écoles ?

LK : Le concert au bistrot social « Le Courage » s’est très bien passé et se retrouve au programme cette année, en collaboration avec le Creamisu, l’espace socioculturel d’expression artistique pour sans-abri de la Caritas.

CK : Le contact lors du concert pour les classes de Bonnevoie a été très bon aussi, ce qui nous a conduites à mettre en place un projet participatif ambitieux avec l’école Gellé cette année. La jeune compositrice de 11 ans Emmylou Växby – fille de Catherine Kontz – a écrit une pièce qu’on a commencé à travailler avec les enfants. Notre stagiaire Jessie Alff coordonne les répétitions hebdomadaires et l’œuvre ne sera pas seulement jouée dans le concert pour les écoles – lequel a affiché complet immédiatement ! –, mais incluse dans la programmation du festival. Nous nous sommes dit que ce serait l’occasion d’attirer un public familial. C’est pourquoi nous avons associé cette pièce contemporaine à la version luxembourgeoise de « Pierre et le loup » traduite par Serge Tonnar. Comme nous n’avons pas les moyens d’avoir un orchestre symphonique, nous avons choisi la réduction pour quintette à vent ; Luc Schiltz sera le récitant.

LK : Nous espérons que le concept de projet participatif permettra aussi une identification des enfants dans le public à ceux sur scène. Le travail des enseignant-es est phénoménal. C’est la chose cette année qui m’a le plus émue, cette volonté qu’ils et elles ont de proposer aux jeunes une ouverture vers la musique.

À quelles autres nouveautés peut-on s’attendre cette année ?

LK : L’équilibre dans la programmation n’est pas facile à atteindre, entre les différentes formations possibles, la disponibilité des artistes, etc. Mais comme nous avions plus de temps cette année, nous avons réfléchi plus intensément à chaque programme. Nous avons ainsi décidé de donner à chaque concert un thème particulier, à partir d’une liste d’œuvres que nous voulions à tout prix présenter.

« Pour vraiment maîtriser une œuvre, il faut la jouer souvent, en public, dans des situations et acoustiques diverses. »

CK : Ça nous permet de proposer des morceaux qui ne seraient pas forcément joués ensemble dans la même soirée. Le programme « Douce nuit », par exemple, comprend les « Chansons madécasses » de Ravel, la « Berceuse pour violon et piano » de Fauré et « Somnus » de Catherine Kontz. C’est un peu le grand écart, mais le thème donne un cadre qui explique nos choix.

Laurence Koch et Cathy Krier. (Photo : Véronique Kolber)

Vous disposez d’une liste d’œuvres, mais aussi d’une liste d’artistes.

CK : Notre idée est de mettre en avant des gens qui ont un lien avec le Luxembourg. Il y a énormément de jeunes avec un excellent niveau et un véritable engagement, et nous aurions besoin d’une dizaine de festivals pour les présenter tous.

LK : Le plus difficile, c’est de faire des choix. Certaines participations sont alors reportées à l’année suivante.

CK : Souvent, au conservatoire, les examens obligent à travailler des pièces très variées, mais jamais des œuvres complètes. Nous avons donc pas mal de jeunes de 16 ou 17 ans très talentueux-euses, mais qui n’ont pas encore le bagage nécessaire pour jouer un quintette entier. Mais parmi ceux et celles qui ont ce bagage, le choix est déjà vaste. Évidemment, on ne répète pas de la même façon qu’avec des professionnel-les : pour mon duo sur la « Sonate à quatre mains en fa majeur » de Mozart avec Elena Neumann, qui a 12 ans, nous avons commencé à répéter en février. C’est notre idée de la transmission. Nous choisissons d’ailleurs les autres musicien-nes expérimenté-es en fonction de leur volonté d’assurer cette transmission.

Vous nous disiez l’année dernière que les jeunes talents bénéficiaient de moins de possibilités de s’exprimer que vous n’en avez eu. Comment voyez-vous la dynamique actuelle sur ce point ?

LK : Il y a une chose que je trouve vraiment grave, c’est qu’on demande maintenant aux jeunes d’être performant-es tout de suite. Si on regarde les musicien-nes qui ont gagné de grands concours internationaux auparavant, on s’aperçoit qu’ils et elles ont eu l’occasion de jouer cent fois leur répertoire en concert avant même le concours. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de droit à l’erreur. Dans n’importe quel autre job, on se voit allouer une marge de progression. Nous voulons proposer un environnement bienveillant.

CK : C’est un phénomène qui n’est pas spécifique au Luxembourg, mais la notion de roder un programme n’existe presque plus. Pour vraiment maîtriser une œuvre, il faut la jouer souvent, en public, dans des situations et acoustiques diverses. Ce n’est pas pour rien qu’Emil Gilels disait : « Pour connaître une œuvre, il faut l’apprendre trois fois. »

Qu’espérez-vous pour les prochaines éditions du festival ?

CK : Pour l’instant, nous fonctionnons encore de manière artisanale. Nous souhaitons rester une asbl, mais si nous voulons continuer d’étoffer la programmation, il nous faudra un soutien administratif.

LK : C’est vrai qu’en plus de ce travail d’organisation, nous devons aussi jouer nous-mêmes, donc répéter, et puis assurer la communication.

CK : Plus de financements ne ferait pas de mal non plus… La communication, notamment sur l’internet, coûte très cher dans un budget serré. Elle est pourtant indispensable pour que le public soit présent.

LK : En réalité, notre but est aussi de payer convenablement les artistes. Que ce soit pour les plus jeunes ou pour les expérimenté-es – qui touchent le même cachet –, le travail en amont n’est pas négligeable : plusieurs dizaines d’heures avant le concert lui-même. Nous refusons donc d’équilibrer notre budget au détriment des musicien-nes. Mais nous sommes optimistes, même si nous devons toujours calculer et toujours rester derrière les chiffres !

Du 4 au 6 mai à l’église de Bonnevoie. Programme détaillé : catchmusic.lu

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