Lauréat du Goncourt 2018, Nicolas Mathieu a la particularité d’être un écrivain originaire de Lorraine – qui ne renie pas sa région, mais la revendique. Il récidive dans ce micropolar qui vient de paraître.
D’aristocratique, le Royal n’a que le nom : c’est un bistro vieux jeu à Nancy, avec ses poivrots, ses jeunes et ses chômeurs qui font vivre le patron. Une des habitué-e-s est Rose, une quinqua divorcée, les mômes sortis de l’auberge maternelle depuis longtemps et qui n’attend plus grand-chose de la vie, et surtout pas des mecs. Le Royal appartient à ses habitudes et son alcoolisme latent est un des seuls passe-temps qu’elle s’octroie encore.
Lorsqu’une soirée un peu arrosée et dramatique lui fait croiser le chemin de Luc, autre quinqua frustré de la vie, toutes les cartes sont à nouveau sur la table. Mais attention, Rose porte un flingue dans son sac à main…
Nicolas Mathieu réussit bien dans la forme concise – le livre compte quelque 70 pages. Au lieu de se perdre dans de longues divagations et descriptions, il va droit au but et construit sans concession une atmosphère : des personnages vivaces avec leurs paradoxes, des vies aux multiples fractures qui ne tiennent ensemble que par l’envie d’aller boire un coup et de s’isoler des autres, qui ont encore moins bien réussi dans le jeu de la vie.
La région Lorraine, la ville de Nancy tout comme les petits bleds au milieu de nulle part, mais aussi ses gens au caractère rugueux, leur fierté d’être un peu les laissés-pour-compte de l’Hexagone donnent une note encore plus spécifique à ce petit ouvrage –certes vite lu, mais difficile à oublier.