Pour la première fois, les député·es ont débattu des pensions en séance plénière, ce 19 mars. Sans surprise, le CSV, le DP, mais aussi l’ADR veulent davantage recourir à la capitalisation et aux assurances privées. La gauche plaide pour de nouvelles recettes ou une hausse des cotisations pour maintenir le régime par répartition. Pour sa part, le gouvernement ne dit toujours rien.

(Photo : ChD )
Ce vendredi 21 mars, les experts entrent en scène dans le débat sur la réforme des retraites, avec une première réunion consacrée à l’« adaptabilité de l’âge de départ en pension ». Autrement dit, faut-il travailler plus longtemps pour sauver le régime général du déséquilibre qui le menacerait ? Alors qu’une telle option semblait pour l’instant exclue, les syndicats ont dit leur étonnement et leur colère de voir ce sujet figurer à l’ordre du jour de la rencontre à laquelle ils participent aux côtés du gouvernement, du patronat et d’organisations de la société civile.
Cette piste est cependant vigoureusement écartée par les partis représentés à la Chambre, qui rappellent que nombre de salarié·es partent en pension à 60 ans, bien avant l’âge légal fixé à 65 ans. Il s’agit là d’un consensus qui s’est dégagé ce mercredi 19 mars, lors d’un premier débat de consultation, lequel a vu chaque parti établir son constat et proposer des pistes pour éviter un déficit qui semble désormais inéluctable aux yeux de tout le monde. En introduction, la ministre CSV de la Sécurité sociale, Martine Deprez, a rappelé les prévisions de l’IGSS, qui alerte sur une dégradation plus rapide qu’envisagé du régime : le montant des prestations dépassera celui des recettes dès 2026, année où le déficit devrait atteindre 100 millions d’euros. La ministre compte donc bien tenir son calendrier et présenter un projet de loi de réforme avant l’été. Dans quel sens ? Elle n’en a pas dit davantage. La partie de cache-cache autour des intentions du gouvernement se poursuit.
La prise en compte des années d’étude et des « baby years » dans le calcul des retraites ou encore le transfert des dépenses de fonctionnement de la Caisse nationale d’assurance pension vers le budget de l’État font aussi plus ou moins l’unanimité chez les député·es. Mais cela s’arrête là, les désaccords sur la manière de sortir de l’ornière ayant dessiné deux camps au cours de ce débat aux allures de round d’observation.
D’un côté, il y a celles et ceux qui veulent renforcer les deuxième et troisième piliers du régime, à savoir les pensions complémentaires payées par les entreprises et celles payées par les salarié·es à des assureurs privés. Le manque à gagner par une réforme serait ainsi compensé par ces cotisations volontaires, pour celles et ceux qui en ont les moyens. Cette solution, déjà suggérée dans l’accord de coalition, a été défendue tour à tour par Alex Donnersbach pour le CSV, Gérard Schockmel pour le DP, mais aussi Alexandra Schoos pour l’ADR. Chaque parti y va de ses propres nuances, tout en affirmant vouloir conserver au premier pilier, le régime par répartition, une place centrale dans le système.
Du cannabis pour les pensions
De l’autre côté, LSAP, Dei Gréng, Déi Lénk et les pirates refusent l’idée d’une baisse des prestations dans le régime général, plaidant pour de nouvelles sources de recettes, sinon une hausse d’un point des cotisations, ce que rejettent patronat et gouvernement.
Taina Bofferding pour les socialistes, Djuna Bernard pour les verts, Sven Clement pour les pirates et Marc Baum pour Déi Lénk ont attaqué la méthode du gouvernement, qui tente de diluer le rôle des syndicats, pourtant cogestionnaires du régime général. L’opposition met aussi en doute l’urgence à mener immédiatement une réforme. « Il s’agit d’une urgence artificielle, qui insécurise les gens », a lancé la cheffe de file de la fraction socialiste. Chacun et chacune a avancé ses pistes pour des financements alternatifs, tels une taxe sur les robots, une taxation accrue du capital et des grandes fortunes, un déplafonnement des cotisations… Et pourquoi pas une réelle légalisation du cannabis, dont les accises abonderaient les caisses de l’État, a proposé Sven Clement. Ces recettes supplémentaires seraient pour la plupart fiscales, et il reviendrait alors à l’État d’augmenter sa part dans le financement des pensions, qu’il partage actuellement à égalité avec les salarié·es et le patronat.
Djuna Bernard a estimé qu’il faut cesser de faire reposer l’avenir du régime sur la croissance économique, alors que l’empreinte écologique du Luxembourg est déjà insoutenable. Dernier à prendre la parole, Marc Baum a constaté, après quatre heures de débat, ne toujours pas savoir quelle direction veut prendre le gouvernement. Il a conclu son intervention en interrogeant le modèle de société sous-tendu par ce débat : « Quelle place voulons-nous vraiment accorder à nos aînés ? »