Politique/Covid-19 : Tour d’ébène

La ministre de la Famille Corinne Cahen aurait dû prendre ses responsabilités et remettre sa démission – la combinaison de toute une suite de faits et de non-faits rend la position du gouvernement insoutenable.

Photos : © CHD_flickr

La « neutralité » du rapport Waringo sur la situation des clusters dans les structures d’hébergement pour personnes âgées est sa force et sa faiblesse en même temps. Car cela en fait une arme politique, qui n’a pas tardé à être utilisée par l’opposition comme par la majorité dans la bataille autour de la ministre Cahen, qui vient donc de survivre à sa deuxième motion lui demandant de rendre son portefeuille. Alors que celui-ci ne tenait qu’à une seule voix au parlement, la ministre n’a même pas tenu à s’exprimer devant les député-e-s, préférant communiquer via une conférence de presse où elle était en plein contrôle de sa parole. Prenant en otage le personnel des structures d’hébergement, elle a avancé qu’en s’attaquant à elle, on s’en prendrait à lui aussi. Pas sûr que les représentant-e-s du secteur apprécieront le geste.

Au-delà des trouvailles du rapport, c’est cette attitude, cette nonchalance et le refus d’admettre ne serait-ce que la plus petite faute de sa part qui rend difficile son maintien au gouvernement. Dans ce dossier, Cahen est bien loin de sa collègue à la Santé : Paulette Lenert est tout à fait capable d’admettre des fautes. Le silence de la ministre de la Famille pendant les longs mois de la seconde vague qui a frappé les structures pour personnes âgées et vulnérables, dont elle a la responsabilité, pèse bien plus gravement. Certes, ces structures sont plus autonomes et libéralisées que les écoles, les lycées ou les hôpitaux – qui disposaient bien de plans plus précis, quoique contestables aussi – ; mais ne rien dire, c’est consentir. L’attitude du laisser-faire libéral est applicable à l’économie, mais quand des vies sont en jeu, elle est totalement irresponsable. Personne de sensé n’attribuera les plus de 340 morts dans ces maisons à la seule ministre. Pourtant, l’impression qu’elle n’a pas fait tout le nécessaire pour les empêcher prévaut.

L’attitude du laisser-faire libéral est applicable à l’économie, mais quand des vies sont en jeu, elle est totalement irresponsable.

Cette irresponsabilité est mise à nu dans le rapport Waringo : pas ou peu de recommandations, parfois contradictoires, des plans de test et de vaccination peu ou pas élaborés et même pas d’efforts consentis pour au moins évaluer la différence d’impact sur les différentes structures – alors que tout le monde sait que la Fondation Pescatore et Um Lauterbann évoluent dans des dimensions différentes. Peu étonnant alors que le personnel de ces structures se soit senti abandonné par son ministère, qui ne voulait ou ne pouvait pas lui procurer de directives plus précises. Tous ces manquements sont clairement recensés dans le rapport, qui évite de poser la question de la responsabilité. Alors que la réponse devrait être claire en ce qui concerne la responsabilité politique.

Certes, le Luxembourg n’est pas un pays scandinave, où des ministres doivent démissionner pour avoir pris un Snickers de trop à la cantine. Pourtant, en collant à son siège, Corinne Cahen renforce aussi la méfiance grandissante envers la classe politique. Ce n’est pas un phénomène grand-ducal : en Allemagne, le ministre des Transports Andreas Scheuer reste aussi en place même après avoir pulvérisé des milliards avec son système de péage jamais mis en place, tandis qu’en France, Gérald Darmanin est toujours ministre malgré des accusations d’abus sexuels. D’où les taux d’abstention record et la montée des populismes. Le DP devrait du moins se poser la question de savoir si la position de sa ministre est encore tenable. De toute façon, le parti a assez de ressources pour la faire remplacer par un-e technocrate, et ce ne serait même pas la première fois.


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