Radio socio-culturelle : Les copains d’abord

Pour beaucoup, la nomination de Laurent Loschetter à la présidence de la radio publique a été un choc – voire la goutte de trop. Pourtant, elle n’est que la suite logique d’une approche libérale qui ignore la plus-value immatérielle de la culture.

Après le siège au conseil d’administration du Mudam – où il règle aussi le business quotidien jusqu’à la nomination d’une nouvelle direction -, la présidence du conseil d’administration de la radio 100,7 : décidément, la carrière de Laurent Loschetter a le vent en poupe, depuis que son ami d’enfance Xavier Bettel est devenu non seulement premier ministre, mais aussi ministre de la Culture et des Médias. Et même s’il est dans le déni, comme le montre l’interview menée par les confrères du Wort ce jeudi, Bettel aura du mal à échapper à une résistance accrue face à sa politique de nomination.

Car il est apparu clairement – dans une interview à la radio 100,7 – que Loschetter n’avait pas postulé pour cette fonction, mais qu’il avait bel et bien été placé par le ministre. Reste la question du pourquoi. Au-delà du copinage et du potentiel conflit d’intérêt entre une radio publique et un patron dans l’événementiel, ce sont les compétences supposées de Loschetter dont on peut douter. Les compétences managériales du privé ne se laissent pas transposer telles quelles au secteur public.

Loschetter est aussi compétent à la présidence de la radio 100,7 que Donald Trump l’est à la présidence des États-Unis.

D’autant plus que l’Atelier, en tant que boîte privée avec son patron qui n’hésite pas à mettre en avant ses idées néolibérales pur jus, a toujours le soutien public de la Ville de Luxembourg – aussi bien sous forme de subventions que de mise à disposition de lieux (comme le projet avorté du skate park de Hollerich). Donc pas vraiment conséquent sur toute la ligne. Et si Loschetter n’hésitera pas à intervenir dans la gestion quotidienne de la radio publique, comme il l’a fait savoir, il apparaît clairement qu’il est aussi compétent à la présidence de la radio 100,7 que Donald Trump l’est à la présidence des États-Unis. De plus, si Xavier Bettel envoie un de ses potes à la rescousse d’un établissement public, il faudrait aussi qu’il y ait des problèmes structurels qui justifient ce geste.

Or, selon des sources internes de la radio, la coopération avec Françoise Poos, prédécesseure de Loschetter qui n’a donc pas été prolongée, s’était déroulée sans accroc. Sa seule tare serait d’avoir été nommée sous le CSV. S’il y avait des problèmes internes, ce serait plutôt le turnover accru du personnel en ce moment – quatre départs récents, dont deux jeunes qui retournent à la fac – et, bien sûr, le manque de moyens. Ce qui n’est pas une situation idéale, mais ne justifie en rien la thérapie de choc que Loschetter risque d’administrer à la radio socio-culturelle. Et les essais pathétiques de la ministre Corinne Cahen pour peindre un tableau morose de la radio sur les réseaux sociaux n’y changeront rien.

Même le point Godwin décroché par l’eurodéputé Frank Engel – lorsqu’il a accusé la coalition d’une des pires purges dans le secteur public depuis l’Administration civile, donc l’occupation – ne pourra pas détourner l’attention du fait que petit à petit, avec le DP, les businessmen peuplent de plus en plus les conseils d’administration des établissements publics – après Luc Henzig à la Rockhal et Delphine Munro au Casino. Et le fait que ces personnes n’ont peut-être pas leur carte au parti libéral ne change rien à leur provenance et à leur éthique. Une éthique commerciale qui n’a rien à voir avec la plus-value que peuvent apporter la culture et les médias indépendants dans une société. Si la « tradition » du CSV (et du LSAP) de nommer des adhérents dans les conseils n’était certes pas la meilleure façon de procéder, on est en droit de se demander si y placer des patrons est une meilleure approche. Et si on nommait des experts indépendants de tout intérêt politique ou commercial ?


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