Raphaël Halet reconnu comme lanceur d’alerte par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’homme a reconnu la qualité de lanceur d’alerte à Raphaël Halet, dans un arrêt rendu ce mardi 14 février. Le Lorrain est l’un des deux anciens employés de PWC à l’origine du scandale fiscal des LuxLeaks. Cet arrêt désavoue les condamnations prononcées au Luxembourg contre Raphaël Halet.

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Raphaël Halet et son épouse découvrent l’arrêt de la CEDH. (Photo : Fabien Grasser)

La lecture de l’arrêt a laissé Raphaël Halet sans voix pendant de longues minutes, ce mardi 14 février. Cette victoire devant la Cour européenne des droits de l’homme est l’aboutissement d’un combat judiciaire de neuf ans, à la suite duquel il obtient finalement le statut de lanceur d’alerte que lui avait refusé la justice luxembourgeoise. Les magistrats de Strasbourg ont jugé que l’intérêt public des révélations de Raphaël Halet l’emporte sur le préjudice subi par son ancien employeur PWC. La juridiction condamne également le Luxembourg à lui verser 15.000 euros pour dommage moral et 40.000 euros au titre des frais de justice.

« C’est la preuve qu’il ne faut jamais abandonner, malgré les bas et les hauts qu’il y a eu au cours de ces années », a déclaré Raphaël Halet à la sortie de la salle d’audience, entouré de son épouse et de ses enfants. « C’est aujourd’hui la fin d’un parcours et le début d’autres choses que j’avais mises en stand-by ces dernières années », a-t-il poursuivi, quelque peu décontenancé par une décision qu’il espérait mais à laquelle il n’osait plus trop croire ces derniers jours. « Ce qui me fait le plus plaisir, c’est de voir que tous les arguments et informations que j’ai apportés depuis le début sont reconnus par la plus haute instance juridique comme étant justes et non contestés, nécessaires au débat démocratique », a ajouté Raphaël Halet. Il a précisé qu’il poursuivra son combat contre l’évasion fiscale.

Divulgation de déclarations fiscales

Raphaël Halet est, avec Antoine Deltour, l’un des deux anciens employés de PWC à l’origine de la révélation des LuxLeaks, un scandale fiscal international mettant en évidence les avantages fiscaux accordés par le Luxembourg à des multinationales. Le cabinet de conseil financier négociait au nom des multinationales et pour elles des décisions fiscales anticipées – des tax rulings – avec l’administration luxembourgeoise. Antoine Deltour avait copié des milliers de documents détaillant les montages utilisés au Luxembourg par de grands groupes pour échapper aux impôts dans les pays où ils réalisent leurs bénéfices. Un an après les premières divulgations dans l’émission « Cash investigation », sur France 2, en mai 2012, Raphaël Halet avait, pour sa part, copié les déclarations fiscales de 14 multinationales qu’il a remises au journaliste Édouard Perrin, de « Cash investigation ». Ces nouvelles révélations avaient donné lieu à la diffusion d’une seconde émission consacrée à l’industrie luxembourgeoise de l’évasion fiscale, en juin 2013.

Poursuivi devant la justice luxembourgeoise, Raphaël Halet avait été condamné en première instance puis en appel, où il avait écopé d’une amende pénale de 1.000 euros, pour avoir subtilisé les documents à son employeur. Les juges nationaux n’avaient pas contesté la bonne foi et la sincérité du Lorrain. Ils avaient cependant estimé que ses divulgations n’apportaient aucun éclairage nouveau au débat sur l’évasion fiscale, déjà lancé par les premières révélations d’Antoine Deltour. Ils avaient dès lors refusé d’accorder le statut de lanceur d’alerte à Raphaël Halet, jugeant le préjudice subi par PWC supérieur à l’intérêt général de ces révélations.

Raphaël Halet s’était alors pourvu devant la CEDH, où il a attaqué le Luxembourg au titre de l’article 10 sur la liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme. Après avoir été débouté une première fois en mai 2021, il avait demandé le renvoi de son affaire devant la grande chambre de la CEDH, qui a finalement jugé, ce 14 février, que sa liberté d’expression a bien été violée par le Luxembourg.

Les choix politiques du Luxembourg

« Les informations divulguées n’étaient pas seulement de nature à interpeller ou scandaliser, mais apportaient bien un éclairage nouveau dont il convient de ne pas minorer l’importance dans le débat sur l’évitement fiscal, la défiscalisation et l’évasion fiscale, en fournissant des renseignements à la fois sur le montant des bénéfices déclarés par les multinationales concernées, sur les choix politiques opérés au Luxembourg en matière fiscale, ainsi que sur les incidences en termes d’équité et de justice fiscale, à l’échelle européenne et, en particulier, en France », écrivent notamment les magistrats dans leur arrêt. La cour souligne en outre que le préjudice financier et d’image subi par PWC « n’apparaît pas avéré sur le long terme ».

L’arrêt de la juridiction supranationale qui siège à Strasbourg clôt définitivement le volet judiciaire des poursuites intentées contre les lanceurs d’alerte de l’affaire LuxLeaks.


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