Certains le voyaient déjà en tête du palmarès à Cannes, mais il a dû se « contenter » du Grand Prix. Résultat somme toute logique pour « 120 battements par minute », un film éminemment sympathique qui veut tellement bien faire qu’il perd parfois le fil de son discours.
Faut-il y voir une certaine nostalgie des années lycée, qui pour nombre de journalistes de cinéma se sont déroulées à cette époque ? Peut-être un brin de mauvaise conscience de n’avoir pas compris assez tôt l’étendue de l’épidémie de sida ? Ou tout simplement du lobbying pour une Palme d’or française ? Toujours est-il que les critiques hexagonaux ont été dans l’ensemble dithyrambiques lors de la présentation de « 120 battements par minute » à Cannes. Il est vrai que la presse étrangère a elle été plus modérée, pointant certains défauts formels d’un film dont la sincérité ne saurait être mise en doute.
De Robin Campillo, on pouvait attendre beaucoup : son premier long métrage par exemple, « Les revenants », est à l’origine de l’intéressante série télévisée achetée dans le monde entier – il y développait un discours cinématographique original et très personnel. Membre d’Act Up dans les années 1990, le réalisateur a vécu au sein de l’association les actions militantes – distribution de préservatifs dans les lycées, actions coups de poing contre des groupes pharmaceutiques, etc. – dans une France alors encore indifférente, voire hostile à la communauté homosexuelle, considérée comme seule touchée par le VIH. De cette expérience, il tire un scénario qui sent le vécu, bien entendu, et qui cherche à montrer à la fois la folle énergie développée dans les actions d’Act Up et l’intensité d’un amour pendant ces années troublées.
C’est donc la radicalité dans les combats de Sean, séropositif, qui attire irrémédiablement Nathan, séronégatif. S’opposent dès lors dans le film l’urgence des luttes, symbolisée par les réunions hebdomadaires longuement filmées et les actions éclairs souvent teintées de violences policières, et l’intemporalité de l’amour. Campillo prend le temps de laisser la relation des deux protagonistes s’installer, alors qu’il martèle à foison les interventions militantes du groupe. Cet équilibre fragile ne lui réussit pas toujours, et c’est là le défaut du film. Celui-ci s’étire en longueur, à l’image d’une réunion hebdomadaire à l’agenda un peu trop chargé : près de deux heures et demie tout de même. Malgré cela, et à l’exception du couple incarné par Nahuel Pérez Biscayart (Sean) et Arnaud Valois (Nathan), peu de personnages sont approfondis. S’ensuit donc une certaine sensation d’éparpillement : quel est l’intérêt de ces virus stylisés en images de synthèse qui apparaissent en inserts à l’écran ?
Reste que l’idylle est filmée avec une fureur de vivre remarquable, et avec une douceur amoureuse qui contraste avec la violence du monde extérieur, marqué par la maladie et l’incompréhension d’une bonne partie de la population. Même si la mort se rapproche peu à peu, et qu’on ne pourra raisonnablement pas reprocher au critique de dévoiler la fin… Cette dernière scène, bouleversante, où les militants se retrouvent autour du lit de mort de Sean, est à elle seule une raison d’aller voir le film. Mère, amant et amis se rassemblent pour se recueillir un moment, et puis n’y tiennent plus : il faut planifier une nouvelle action, pour que cette autre vie cueillie par le sida serve à faire avancer leur cause. C’est reparti pour un tour…
« 120 battements par minute » est un film sincère, troublant parfois, qui mérite la visite dans les salles obscures, malgré ses longueurs, pour sa description d’un amour brisé par la maladie plutôt que pour son évocation des actions militantes d’Act Up.
Au Scala et à l’Utopia. Tous les horaires sur le site.
L’évaluation du woxx : XX