Concertation sur les positions des pays européens pour aboutir à un accord sur le climat, voilà l’objectif du Luxembourg dans le cadre de sa présidence européenne. Ce sera difficile, et pas suffisant pour autant.
Carole Dieschbourg est optimiste. Lors du point presse sur les résultats du Conseil des ministres de l’Environnement de lundi dernier, elle a multiplié les messages positifs. Les pays de l’Union européenne continuent à émettre moins de CO2 malgré la croissance retrouvée, les grandes puissances sont en train de revoir leurs positions sur les politiques climatiques et les populations sont plus conscientes que jamais des dangers du réchauffement atmosphérique. Quant à la réunion de Bonn, censée préparer la conférence de Paris en décembre, elle n’a guère fait progresser l’élaboration d’un accord, mais se serait déroulée dans un climat de confiance. « La confiance mutuelle est la base de tout traité futur », a souligné la ministre de l’Environnement.
Un accord à tout prix
Hélas, les raisons de désespérer des discussions en cours ne manquent pas non plus. D’une part, alors que l’objectif d’un accord à Paris devrait être de maintenir l’accroissement de la température moyenne en dessous de deux degrés, de nombreux experts estiment que cela ne sera pas suffisant pour éviter un changement climatique catastrophique. De surcroît, les réductions de CO2 auxquelles les grandes puissances se sont engagées jusqu’ici ne suffiront même pas pour rester en dessous de deux degrés. Et ce n’est pas la promesse, hautement symbolique mais très floue, du G7 d’atteindre zéro émission avant la fin du siècle qui y changera quelque chose. Enfin, certains critiques estiment que la logique capitaliste – notamment les marchés de permis d’émissions et le recours au capital privé pour les investissements verts – fait obstacle à une lutte efficace contre le changement climatique.
« Le plus important est que tous les pays adhèrent à l’accord qu’on espère obtenir à Paris », insiste Carole Dieschbourg, qui y voit surtout « un point de départ » pour aller plus loin. En ce sens, le traité est supposé être dynamique : « Si l’on constate que les engagements ne suffisent pas, on pourra les améliorer, et le développement technologique nous permettra de le faire. » Pour le Luxembourg, qui présidera l’Union européenne, comme pour la France, qui présidera la conférence, la priorité semble être d’obtenir un traité, quel qu’en soit le contenu. Ainsi la ministre verte insiste sur le fait qu’il faut s’accorder sur « des objectifs simples et intelligibles » et qu’il reste à trouver le bon « wording » pour tel ou tel passage du traité. Mais l’idée que cette course au succès à court terme risque de produire un accord instable à moyen terme ne semble pas l’effleurer.
Autre grande absence parmi les priorités énoncées en matière de négociations climatiques, la question du financement de la décarbonisation des pays en voie de développement. Alors que, pour les pays concernés, cette question est cruciale, l’Union européenne semble vouloir la laisser dans le flou. Le fameux « Fonds vert pour le climat » qui devrait mettre cent milliards de dollars par an à leur disposition, consiste pour le moment en des engagements modestes, des promesses vagues et des calculs théoriques sur les capitaux privés qui s’y ajouteraient par effet de levier. Hélas, insister sur les objectifs environnementaux en négligeant les objectifs de justice et de développement permettra peut-être de faire apparaître les pays en voie de développement comme les ennemis du climat. Mais pour obtenir un accord durable, il faudrait avoir le courage de promettre le partage de notre prospérité au nom de la justice Nord-Sud.
Ainsi, en s’accrochant à leurs intérêts égoïstes, en se voilant la face devant les risques d’échec d’un traité bâclé, en persistant dans un libéralisme dogmatique, les représentants des pays du Nord apparaissent comme des somnambules qui tournent en rond alors que le monde court à sa perte.